Le paysage syndical français



 

Le paysage syndical français est caractérisé par un émiettement qui tient à l'histoire du syndicalisme français. Il est important pour comprendre les stratégies syndicales de connaître quelques éléments sur l'histoire, le poids respectif et la position des principales organisations syndicales.

 

Les premiers syndicats apparaissent dans les années 1830 et se développent plus ou moins rapidement. Ainsi, la loi Olivier autorise la grève en 1864 et la loi Waldeck Rousseau de 1884 légalise les syndicats. Alors que jusque dans les années 1970, plus d'un quart des salariés français étaient syndiqués, à l'heure actuelle, le taux de syndicalisation atteint seulement 7%. C'est dans le secteur public que le syndicalisme se maintient le mieux puisque avec moins de 30% des salariés, ce secteur réuni plus de 50% des syndiqués.

 

La Confédération générale du travail (CGT): La CGT est la plus ancienne confédération syndicale française puisqu 'elle a été fondée en 1895. La CGT d'avant 1914 est dominée par le syndicalisme révolutionnaire comme le montre la Charte d'Amiens. Il s'agit d'une conception du syndicalisme qui met en avant la lutte des classes, l’indépendance du syndicalisme par rapport aux partis politiques et qui vise la grève générale expropriatrice insurrectionnelle.

Après la Seconde Guerre mondiale, les militants membres du Parti communiste français (PCF) dominent la confédération. Durant cette période, le nombre des adhérents de la CGT se compte en millions.

Durant les années 1980, le syndicalisme entre dans une période de crise. Après la chute du mur de Berlin en 1989, la CGT gagne en autonomie vis-à-vis du PCF. En 1993, pour la première fois, elle ne donne pas de consigne de vote.

Aujourd'hui la CGT reste semble-t-il la première organisation syndicale française en termes d'effectifs - en 2005, elle compterait 550 000 adhérents (sources: Andalfatto et Labbé, Les syndiqués en France, Liaisons sociales, 2007) - et en terme d’élections professionnelles.

La CGT reste la principale organisation syndicale de lutte en France. Néanmoins, jamais la Confédération CGT n'a appelé à la grève interprofessionnnelle reconductible et mise sur des journées de grève de 24h qui permetteraient selon ses dirigeants de peser sur les négociations avec le gouvernement.

 

La Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC):Cette organisation a été crée en 1919. Le syndicalisme chrétien ne promeut pas la lutte des classes et trouve sa source d'inspiration dans les encycliques sociales du Pape Léon XIII. En 2005, elle compterait environ 109 000 adhérents (sources: Op.cit.).

 

Force ouvrière (FO): La CGT-FO est née d'une scission d'avec la CGT en 1948. Elle regroupe des militants qui n'acceptent pas l'inféodation de la CGT au PCF. Deux points importants fondent historiquement l'unité de Force ouvrière: l'anti-communisme et l'anti-cléricalisme. Force ouvrière devient par la suite le partenaire privilégié de négociation avec le gouvernement, jusqu'à ce qu'elle se fasse ravire cette place dans les années 1990 par la CFDT. Il semblerait qu'au moment de son congrès de 2004, FO regroupait moins de 300 000 adhérents (sources: Op.cit.).

Les nouveaux accords sur la représentativité dans le privé fixent le seuil à 10% des voix. Cette limite risque d'être problématique pour Force ouvrière qui pourrait perdre la représentativité dans de nombreux secteurs.

 

La Confédération française démocratique du travail (CFDT): La CFDT est née en 1964 d'une sission avec la CFTC. Elle regroupe des militants laïcs qui ne se retrouvent pas dans le syndicalisme chrétien de la CFTC. Les membres de la CFDT à cette époque se reconnaissent dans un syndicalisme de lutte, mais ne veulent pas être inféodés au PCF.

Dans les années 1970, la CFDT porte en partie les aspirations de Mai 68 en reprenant à son actif la revendication d'un idéal autogestionnaire. Ce sont ainsi des militants de la CFDT qui promeuvent l'autogestion de l'entreprise Lip.

Mais dès la fin des années 1970, les dirigeants de la CFDT proclament une stratégie de recentrage qui conduit progressivement la CFDT à devenir le partenaire privilégié du gouvernement: acceptation en 1995 du Plan Juppé sur la sécurité sociale, signature de la réforme du système d'indéminisation des intermittents, signature de la reforme du système de retraite public en 2003. De manière générale, les dirigeants de la CFDT considèrent la grève comme un moyen d'action archaïque et privilégient la co-gestion.

Aujourd'hui la CFDT serait la seconde organisation syndicale nationale, avec 493000 adhérents (sources: Op. Cit.).

 

La Confédération générale des cadres (CGC): La CGC est une organisation interprofessionnelle, mais corporatiste, dans la mesure où elle ne syndique qu'une catégorie de salarié, les cadres (catégorie salariale qui émerge dans l'entre deux guerre). En 1981, elle a décidé d’ouvrir son champ de syndicalisation à d’autres catégories telles que les techniciens ou les agents de maîtrise. Créée en 1944, elle regrouperait sans doute un peu moins de 10000 adhérents (sources:Op.cit.).

 

La Fédération syndicale unitaire (FSU): La FSU, issu d’une scission de la Fédération de l’Education Nationale (qui était elle-même devenue autonome lors de la scission de la CGT en 1948) est un syndicat qui est principalement implanté dans une catégorie professionnelle: les enseignants. La FSU s'est aussi implantée dans des champs syndicaux considérés comme proches de l'enseignement tels que la culture.

 

L'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA): L'UNSA est une union syndicale qui regroupe, depuis 1993, des syndicats qui étaient jusque là autonomes, et donc attachés à une vision catégorielle. Par exemple l'UNSA Police, majoritaire dans ce secteur aux élections de 2006, est membre de ce syndicat, ainsi que l’ex-FEN. Cette union syndicale regroupe des syndicats réformistes moins radicaux que les syndicats de l'Union syndicale Solidaires. D'ailleurs une grande partie des anciens syndicats du Groupe des 10, qui ne se sont pas engagés dans Solidaires, ont rejoint l'UNSA. L'UNSA est considérée comme étant proche du Parti Socialiste. Elle regroupe environ 120000 adhérents (Source: Op.cit.).

 

L'Union syndicale Solidaires: L'ancêtre de l'Union syndicale Solidaires est le Groupe des 10 qui regroupait dix syndicats autonomes en 1981. Il s'agit généralement d'organisations qui, au moment de la scission entre la CGT et FO, avaient refusé de choisir. En 1989, le premier syndicat SUD est fondé: c'est SUD PTT, dont les militants sont issus de la CFDT. Il devient observateur au sein du Groupe des 10. En 1992, la fédération SUD PTT devient membre du Groupe des 10. La période qui correspond à l'arrivée de SUD PTT en tant qu'observateur et qui suit son adhésion correspond à une profonde mutation du Groupe des 10. Sous l'impulsion principalement de SUD PTT et du SNUI (Syndicat national unifié des Impôts), le G10 se radicalise, ce qui conduit au départ de plusieurs syndicats autonomes. Mais parallèlement, après les grèves de décembre 1995, un certain nombre de syndicats SUD se créent à partir de scission de la CFDT et adhèrent au G10. C'est le cas par exemple de SUD Rail ou de SUD Culture. En 1998, le G10 devient l'Union syndicale G10 Solidaires.

En 2006, l'Union syndicale Solidaires est devenue représentative sur l'ensemble de la fonction publique. Mais elle n'a pas encore conquis la représentativité au niveau des élections prudhommales, c'est à dire dans l'ensemble du secteur privé.

L'Union syndicale Solidaires se caractérise par rapport aux autres organisations syndicales par une stratégie qui vise à privilégier les journées de grève reconductibles, les actions interprofessionnelles et la convergence des luttes de salariés et les luttes citoyennes pour construire une autre société.

L'Union syndicale Solidaires regroupe actuellement environ 90000 adhérents (source: Qu'est ce que Solidaires ?, 2008, disponible sur support papier et sous forme electronique:http://www.solidaires.org/article21328.html).

 

La Confédération nationale du travail française (CNT-F): La CNT est une confédération qui se revendique du syndicalisme révolutionnaire et de l'anarcho-syndicalisme. Elle se place dans la continuité de la CGT française d’avant 1914 et de la CNT espagnole qui, à la veille de la guerre et de la révolution en Espagne en 1936, revendiquait 1,2 million d'adhérents. De ce fait, même si elle a assoupli ses positions, ses militants refusent bien souvent de se présenter aux élections syndicales et d'avoir des permanents syndicaux. La CNT après avoir progressé numériquement dans les années 1990, connaît depuis le milieu des années 2000 une certaine crise. Elle regrouperait 2000 membres(sources: Xavier Crettiez et Isabelle Sommier, La France rebelle,Michalon, 2006 ).

 

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