Ethnicisation et racialisation dans la division internationale du travail

 

 

La structure du racisme en France peut être éclairée à partir de l’étude de la division internationale du travail. Celle-ci suppose une double approche diachronique, qui explique les processus, et synchronique, qui rend compte de l’état actuel de la structure sociale.

 

1. Histoire du racisme et division internationale du travail dans une économie mondialisée

 

La division internationale du travail actuellement doit être comprise à travers l’histoire des rapports sociaux de classe économique et de racisation.

 

Les roms continuent de porter le poids de leur marginalisation sociale liée au maintien dans un système archaïque de servage pendant plusieurs siècles.

 

Les juifs restent tributaires également de leur marginalisation au sein de la société pendant plusieurs siècles à travers une représentation sociale qui continue de les associer fantasmatiquement aux métiers de l’argent. Ils jouissent de ce fait d’une image ambivalente qui est celle qui s’associe à l’économie financière.

 

Aux Etats-Unis, la place des Africains-américains reste marquée par la situation liée à l’esclavage puis aux lois ségrégationnistes qui ont perdurées jusque dans les années 1950.

 

En Amérique latine, les sociétés continuent de rester structurer sur les inégalités sociales qui ont été construites au moment de la colonisation espagnole et portugaise.

 

De même, la situation de l’immigration post-coloniale est tributaire de l’histoire coloniale. Cette histoire coloniale oriente en particulier les flux migratoires vers les anciennes métropoles impériales: Lisbonne, Paris ou Londres...

 

De fait la compréhension de l’état actuel de la hiérarchie économique mondiale et de la division ethno-raciale du travail est le produit d’un ensemble de processus historiques qui ont abouti à la situation actuelle.

 

On peut se demander comme après l'abolition de l'esclavage dans les colonies latino-américaines où il y un appel privilégié à une main d'oeuvre blanche de la semi-périphérie de l'Europe, si on n'assiste pas depuis la fin du plein emploi au milieu des années 1970 à une tendance comparable à "blanchir" les classes populaires en Europe et à marginaliser socialement les immigrés et descendants d'immigrés postcoloniaux en recourant plutôt à une main d'oeuvre issue du Sud et de l'Est de l'Europe.   

 

2. Minorités issues de l’immigration et division internationale du travail

 

L’économie mondialisée est organisée selon trois centres principaux: l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Asie du Sud-Est. Plus un pays se situe au centre de l'économie monde, plus il apparaît comme développé et civilisé, plus il est en périphérie, plus il apparaît comme sous-développés et ses habitants comme "arriérés".

 

Au sein de l’Union Européenne, l’Europe du Nord-Ouest constitue le centre. L’immigration du Sud et de l’Est de l’Europe vise à constituer le vivier de classes populaires de ce centre. On peut constater une persistance dans l’immigration en France de l’immigration portugaise dans des métiers de classes populaires. (Voire: Les classes sociales en Europe, Agone, 2017).

 

Mais, l’espace Schengen est organisé pour privilégier la main d’oeuvre peu qualifiée de la semi-périphérie européenne contribuant ainsi à renforcer l’exclusion de l’immigration issue de la périphérie africaine.

 

En effet, l’Afrique continue d’être un continent marginalisé au sein des flux de l’économie mondialisée en lien avec une histoire coloniale qui a construit des inégalités de développement économiques. Or l’immigration issue d’Afrique, aussi bien du Maghreb que d’Afrique Sub-saharienne, fait l’objet de la même marginalisation.

 

Les descendants d’immigrés de l’Asie du Sud Est pour environs 30% d’entre eux occupent des emplois de cadres (contre 15% pour la population majoritaire). On constate la même réussite sociale en Amérique du Nord. Comme si l'expansion économique de l’Asie du Sud Est se répercute également sur l’immigration issue de cette zone géographique. Les immigrés de l’Asie du Sud Est jouissent d’une image positive qui les associe aux métiers de techniciens ou d’ingénieurs.

 

Conclusion:

Les métropoles de l’économie mondialisée semblent reproduire au niveau de leurs minorités ethno-raciales l’état de la division internationale économique. Les groupes les plus socialement marginalisés sont issus de l’immigration africaine. A l’inverse, les groupes issus des centres économiques, y compris de l’Asie du Sud Est, occupent préférentiellement les positions de cadres supérieurs. Les groupes issues des pays de la semi-périphérie sont associés préférentiellement aux emplois peu qualifiés.

 

Référence complémentaire:

 

Boaventura de Sousa Santos, Etat et société dans la semi-périphérie du système monde: le cas portugais (1995). URL: 

http://www.boaventuradesousasantos.pt/media/pdfs/Estado_e_sociedade_Analise_Social.PDF

 

De Sousa Santos, Une nouvelle vision de l'Europe: apprendre des sud. URL:

 http://www.boaventuradesousasantos.pt/media/Nova%20Vis%C3%A3o%20da%20Europa_Sociologias_2016.pdf