Matérialisme sociologique : inégalités sociales et discriminations



Nous appelons matérialisme sociologique une approche qui n’a pas une prétention à réduire tous les faits sociaux à des réalités économiques, mais qui considère que la dimension du fonctionnement économique ne doit pas être oblitéré au profit uniquement d’une approche en termes de normes culturelles.

Différentiel et discriminations

La notion de discrimination a peu fait l’objet d’une réflexion philosophique. Au sens strict, la discrimination renvoie à un traitement différencié et inégal. En soi, la discrimination semble presque pouvoir être modélisée de manière mathématique. Par exemple, payer une personne moins bien qu’une autre sur la base d’une variable sociologique peut être considérée comme un discrimination. Ces variables peuvent être le poids, l’accent linguistique, le sexe, la religion, la couleur de peau…

Il est possible de remarquer que plusieurs espaces sociaux génèrent des discriminations : le marché du travail, le logement, les services publics…

Les personnes discriminées vont subir plusieurs formes de traitement défavorables : valeur économique différente (paye moindre ou au contraire coût plus élevé), mise à l’écart.

La discrimination semble apparaître comme le produit d’un mécanisme social qui attribue une valeur différentielle à chaque groupes sociaux. C’est comme si les individus en fonction de leur position sociale n’avaient pas une valeur égale sur le marché de l’emploi, sur le marché du logement…

 

Certains profils sociologiques semblent plus valorisés tandis que d’autres au contraire apparaissent comme ayant une moindre valeur relativement à des variables sociales.

 

On a l’impression qu’il pourrait être possible de calculer mathématiquement la valeur différentielle attribuée à chaque groupes sociaux, mais également au croisement des variables multiples (intersectionnalité)

 

Le marché du travail, mais également certainement celui du logement, sont des espaces privilégiés pour mesurer le poids respectif de chaque variable et du croisement des variables dans la mesure où toute personne, ou du moins la très grande majorité d’entre elles, se trouvent à aller chercher un emploi et un logement.

 

On a l’impression également que la valeur des personnes n’est pas exactement la même selon les espaces sociaux: être une femme peut être moins valorisée pour trouver un travail bien payé, mais être plus valorisé en tant que locataire.

 

La cause de ces mécanismes de différentiations sociales

 

La question qui pose mystère au sociologue est de comprendre pourquoi ces différentiations. Ne sont-elles que le produit de préjugés qui sont dans la tête des personnes ou ont-elle d’autres origines dans l’organisation sociale ? Autre question: ces différentiations ont-elles des origines diverses ou existe-t-il un mécanisme social général qui se trouve en mesure d’en rendre compte ? Ce mécanisme général, s’il existe, n’est-il qu’un mécanisme psychologique (comme le préjugés) ou d’origine socio-historique ?

 

Il est possible également de se demander si ce différentiel n’est pas en lien avec la valeur imaginaire économique ou productive attribuée à chaque groupe: certains groupes sont considérés comme moins productifs ou improductifs.

 

Mais la discrimination peut apparaître comme la surface d’un mécanisme social plus profond dont elle ne serait que l’effet, mettant en jeu des intérêts sociaux plus profond.

 

Ainsi, il est aussi possible de se demander si les individus ne sont pas perçus de manière différentiel car cela permet ainsi de moins les payer par exemple et donc de davantage les exploiter. De ce fait, le salaire d’un ouvrier sera moindre que celui d’un cadre, celui d’une femme moindre que celui d’un homme…

 

Le différentiel conduit à produire des inégalités sociales et des groupes qui bénéficient a contrario de privilèges sociaux, en particulier économiques.

 

L’approche matérialiste consiste à considérer que ces différentiels sont en lien avec les divisions sociales inégales du travail: espace domestique et marché de l’emploi, travail productif et travail reproductif…

 

Ainsi pourquoi y aurait-il par exemple des préjugés négatifs sur les homosexuels ? Parce qu’ils apparaissent comme improductifs relativement au travail reproductif.

 

Le travail aurait alors une place centrale dans l’explication des phénomènes sociaux car l’ensemble des discriminations et des inégalités sociales seraient en lien avec ces divisions sociales du travail.

 

Ces divisions s’expliqueraient par le fait qu’elles permettent à certains groupes de tirer profit du travail d’autres groupes: les hommes du travail des femmes, la bourgeoisie du travail du prolétariat, les colonisateurs des colonisés…

 

La colonisation constitue l’exemple d’un processus qui ne relève pas du simple préjugés qui produit de la discrimination. Un Etat décide d’envahir un territoire et une population et de la soumettre à son joug, de mettre en oeuvre des politiques de ségrégation sociale. Il peut ensuite les justifier par un discours de légitimation comme le racisme.

 

Mais plus encore, à partir du moment où la rationalité économique formelle du marché devient dominante, plus il est possible de considérer que la valeur différentielle de chaque positionnalité sociale est de plus en plus déterminée par la logique marchande: l’emploi et le logement sont organisés selon les principes d’un marché en idéal organisé selon une concurrence libre et non faussée.

 

Mais la réalité, c’est qu’en réalité certains individus sont discriminés. Chaque individu n’est pas un agent abstrait sans qualités sociales: pour les recruteurs et les logeurs ces individus ont un sexe et une couleur de peau.

 

Conclusion:

 

Ce qu’il apparaît important de retenir en l’état donné de la réflexion, c’est que les discriminations sont des mécanismes sociaux de différentiations inégales entre les personnes contribuant à leur attribuer une valeur différentielle (d’ordre économique), relativement à des variables sociologiques, dans différents espaces sociaux tels que le marché du travail ou encore du logement.

 

Cette définition semble relativement objective. En effet, il est possible de constater sociologiquement à partir d’études quantitatives que certains groupes sociaux sont plus ou moins discriminés dans des espaces sociaux donnés.

 

Ce qui pose davantage question est de comprendre ce qui produit cela. En particulier, il existe deux questions fondamentales: existe-t-il un seul mécanisme social ? Ce mécanisme a-t-il une autre origine que psycho-sociale ?