Quelle est la vraie origine de la notion d’épistémicide ?

 

 

 

 

On assiste en ce moment à la diffusion de fausses attributions de la notion d’épistémicide. Pourtant une petite recherche suffit pour savoir qui en est vraiment l’auteur.

 

En 2014, le sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos publie en anglais son ouvrage Epistemologies of the South. Justice against Epistemicide. Boulder/Londres: Paradigm Publishers, 2014. Comme on le voit le sous-titre porte le terme « épistémicide ».

 

Mais, le terme se trouve depuis bien plus longtemps dans son œuvre on le trouve dès 1994 et le terme est repris par la suite dans plusieurs de ses articles ou ouvrages :

 

« Le nouveau paradigme constitue une alternative à chacun de ces traits. En premier lieu, il n’y a pas une forme unique de connaissance valide. Il y a beaucoup de formes de connaissances, autant que les pratiques sociales qui les génèrent et les soutiennent. La science moderne s’appuie sur une pratique de division technique professionnelle et sociale du travail et sur le développement technologique infini des forces productives dont le capitalisme est aujourd’hui l’unique exemple. Les pratiques sociales alternatives génèrent des formes alternatives de connaissance. Ne pas reconnaître ces formes de connaissance, implique de délégitimer les pratiques sociales qui les appuient et, dans ce sens, de promouvoir l’exclusion sociale de ceux qui les promeuvent. Le généocide qui caractérise tant de fois l’expansion européenne fut également un épistémicide : on a éliminé des peuples étranges parce qu’ils avaient également des formes de connaissances étranges et l’on a éliminé ces formes de connaissances étranges parce qu’elle se fondaient sur des pratiques sociales et des peuples étranges. Mais l’épistémicide a été beaucoup plus étendu que le génocide parce qu’il a toujours prétendu subalterniser, subordonner, marginaliser ou illégaliser des pratiques et des groupes sociaux qui pourraient constituer une menace pour l’expansion capitaliste, ou durant une bonne parti de notre siècle pour l’expansion communiste (sur ce point aussi moderne que le capitalisme), et aussi parce que cela est arrivé aussi bien dans l’espace périphérique et extra- nord-américain du système monde que dans l’espace central européen et nord-américain, contre les travailleurs, les indigènes, les noirs, les femmes et les minorités en général (ethniques, religieuses, sexuelles).

Le nouveau paradigme considère l’épistémicide comme un des grands crimes contre l’humanité. »

 

 

(Pela Mão de Alice: O Social e o Político na Pós-Modernidade, Porto: Afrontamento, (8ª edição), 1994. Prémio Pen Club Português (Ensaio). Também publicado no Brasil, São Paulo: Editora Cortez, 1995 (12ª edição).  De la mano de Alicia. Lo Social y lo político en la postmodernidad. Bogotá: Siglo del Hombre Editores e Universidad de los Andes, 1998, p.431)