Paulo Freire: “La lecture critique”

 

Paulo Freire tout au long de son oeuvre a développé une réflexion sur la lecture comme processus critique. Ci-dessous voici quelques citations permettant d’illustrer certains aspects de la réflexion de Paulo Freire sur cette question:

 

- Lire: une activité indispensable pour l’enseignant critique.

 

L’enseignant critique pour Paulo Freire possède un haut niveau de compétence qu’il a acquit par l’étude. Il n’est pas un “maître ignorant”:

 

“L’assurance avec laquelle l’autorité de l’enseignant se déploie implique une autre qualité, celle qui se fonde sur sa compétence professionnelle. Aucun enseignant n’exerce cette autorité en l’absence de cette compétence. Le professeur qui ne poursuit pas sérieusement sa formation, qui n’étudie pas, qui ne s’efforce pas d’être à la hauteur de sa tâche n’a pas la force morale suffisante pour coordonner les activités de sa classe. Certes, cela ne signifie pas que la pratique ou l’option démocratique du professeur soit déterminée par sa compétence scientifique. Il y a des professeurs scientifiquement bien préparés qui demeurent autoritaires en toute circonstance. Mais je veux dire que l’incompétence professionnelle disqualifie l’autorité du professeur.” (Pédagogie de l’autonomie)

 

- Lire: une activité exigeante

 

Lire n’est pas une activité facile. Elle demande des efforts que l* lecteur/lectrice doit assumer. Mais le recours à des outils méthodologiques peut aider la lecture :

 

“Lire est une opération intelligente, difficile, exigeante, mais gratifiante. Personne ne lit ou n’étudie de manière authentique, s’il n’assume pas, contre le texte ou l’objet de curiosité, une manière critique d’être un sujet curieux, un sujet lecteur, un sujet du processus de connaissance dans lequel il se trouve. Lire c’est chercher à créer la compréhension de ce qui est lu” (Cartas a quem osa ensinar)

 

“Aucun lecteur qui étudie n’a le droit d’abandonner la lecture d’un texte difficile parce qu’il n’a pas compris ce que signifiait, par exemple, le mot épistémologie.

Ainsi, comme le maçon ne peut se passer d’un ensemble d’outils pour son travail sans lesquelles il ne peut assembler les murs de la maison qu’il est en train de construire, de même le lecteur qui étudie à besoin d’instruments fondamentaux qui sont ceux sans lesquels il ne peut pas lire ou écrire sans efficacité : les dictionnaires, en particulier épistémologiques, des livres de conjugaison, de grammaire, de philosophie, des dictionnaires de synonymes et d’antonymes, des encyclopédies. Il peut avoir recours également à la lecture comparative de textes, d’un autre auteur, qui traite du même sujet, mais dont le langage est moins complexe.” (Cartas a quem osa ensinar)

 

“En tant que lecteurs, nous n’avons pas le droit d’espérer, encore moins d’exiger, que les auteurs effectuent leur activité, celle d’écrire, et en même temps la nôtre, à savoir celle de comprendre l’écrit, en expliquant chaque passage, dans le texte ou dans une note de bas de page. Je dois seulement, en tant qu’auteur, écrire de manière simple, ne pas avoir un style lourd, et faciliter la compréhension du lecteur et non en accentuer la difficulté, mais je ne dois pas lui donner des choses toutes faites et prêtes.

La compréhension de ce que l’on est en train de lire, d’étudier, n’est pas ainsi, ce serait un miracle. La compréhension est travaillée, est forgée, par celui qui lit, par qui étudie, en étant sujet de la lecture, et l’on doit l’accompagner d’outils pour l’aider. C’est pourquoi, lire, étudier, est un travail patient, raffiné, persistant. Ce n’est pas un travail pour des gens trop pressés ou peu humbles qui, au lieu d’assumer leurs déficiences, les renvoient sur l’auteur-e du livre, en considérant qu’il est impossible à étudier.” (Cartas a quem ousa ensinar)

 

- Lire: une activité critique

 

Mais pour Paulo Freire, lire ne se limite pas à déchiffrer et à comprendre. Lire est une activité critique:

 

“Cet intellectuel, qui lit des heures d’affilée, soumis au texte et peureux de se risquer, parle de ses lectures presque comme s’il les récitait de mémoire. Il ne perçoit aucune relation, quand elle existe réellement, entre ce qu’il a lu et ce qui vient de se passer dans son pays, sa ville, son quartier. Il répète avec précision ce qu’il a lu, mais il s’essaie rarement à quelque chose de personnel.” (Pédagogie de l’autonomie)

 

“Je suis favorable à ce que l’on exige du sérieux intellectuel pour connaître un texte ou un contexte. Mais pour moi, ce qui est important, et indispensable, c’est d’être critique. La critique créée la discipline intellectuelle nécessaire, en formulant des questions à ce que l’on lit, à ce qui est écrit, au livre, au texte. On ne doit pas se soumettre au texte, être soumis devant le texte. En dernière analyse, c’est une opération très exigeante. (Medo e Ousiadas)

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