La question de la non-mixité raciale dans les universités américaines.

 

 

Au moment où la question de la non-mixité soulève des polémiques en France, il est intéressant d’observer comment cette question est abordée dans les universités américaines.

 

La non-mixité dans le droit français

 

La loi de 2008 transposant le droit communautaire sur les discriminations dispose que: “ Ces principes ne font notamment pas obstacle : (...) c) A l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe”.

(https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018877783 )

 

Gael Pasquier dans un article consacré au sujet écrit: “L’objectif officiel de cet alinéa est de transposer en droit français des directives européennes, afin qu’il ne soit pas possible de contester les cas de non-mixité qui existent déjà lors de certains cours d’éducation physique et sportive, d’éducation à la sexualité et dans des écoles privées.” (Gaël Pasquier, « Les expériences scolaires de non-mixité : un recours paradoxal », Revue française de pédagogie [En ligne], 171 | avril-juin 2010, URL : http://journals.openedition.org/rfp/1920 )

 

L’évolution de la question des safe spaces dans les universités américaines

 

La notion de “safe space” dans l’universités états-unienne a été introduit pour lutter contre les discriminations à l’égard des personnes LGBTQI*. Des “espaces sécuritaires ont été reconnues par plusieurs universités américaines pour des personnes qui faisaient face à des agressions et de micro-agressions homophobes ou transphobes.

(Voir par exemple à ce sujet:

Safe Space Program https://www.campuspride.org/safespace/ )

 

Dans cet ordre d’idée, il existe deux type de safe spaces: des safe spaces permettant aux personnes concernées et à leurs alliées de discuter ensemble (ce que l’on appelle au Canada, les “alliances gay-hétéros) et des safe spaces qui ne sont pas ouverts aux personnes “straight”.

 

Par exemple dans un article de 2016, le quotidien britannique The Guardian rappelle qu’il est courant qu’aux Etats-Unis, dans les collèges (premier cycle universitaire), il existe des “dortoirs” réservés aux personnes LGBTQI*.

(https://www.theguardian.com/education/2016/may/16/no-straight-people-allowed-students-share-views-on-lgbt-only-halls )

 

Néanmoins, depuis ces deux dernières années, la demande de safe space concerne également les “personnes de couleur”. Ce terme désigne principalement les personnes se considérant comme noires, hispaniques, asiatiques ou encore d’origine océaniennes par exemple.

 

Les revendications de safe space for people of color

 

Des étudiants de l’Université de Berkeley ont manifestés en 2016 pour obtenir un safe space à la fois pour les personnes de couleur et pour les personnes LGBTQI*. En réalité, la revendication portait plutôt sur la question de la relocalisation de “safe spaces” qui existaient déjà au sein de l’Université. L’Université a refusé de leur attribuer l’espace là où elle le demandait.

(https://www.sfgate.com/education/article/White-Cal-students-blocked-at-Sather-Gate-in-10414775.php )

 

Les étudiants de Clarmont College ont par contre vus leurs revendications acceptées par les institutions de l’établissement de créer des espaces sécuritaires pour personnes de couleurs (http://claremontindependent.com/safe-spaces-segregate-the-claremont-colleges/ )

 

Des cours et des espaces non-mixte pour lutter contre les inégalités raciales

 

L’Université du Connecticut a organisé des cours non-mixte à destination des étudiants noirs hommes en s’appuyant sur le fait que ces étudiants étaient ceux qui avaient le plus faible taux de réussite. Ces cours sont destinés à tenter d’augmenter le niveau de réussite. (https://www.theatlantic.com/education/archive/2016/08/finding-the-line-between-safe-space-and-segregation/496289/)

 

En 2016, l’Université de l’Etat de Californie a mis en place des logements réservés à des personnes noires (comme c’est le cas pour d’autres minorités). Ce qui distingue cette offre d’une forme de ségrégation est que selon ces promoteurs, il s’agit d’une possibilité facultative et non d’une obligation.

(https://bucknellian.net/66253/opinion/segregated-college-housing-racial-segregation-or-a-safe-space-for-minorities/ )

 

La non-mixité en débat outre atlantique

 

Comme en France, la non-mixité raciale provoque des débats parmi les intellectuels américains et les milieux conservateurs y voient une dérive raciste de la gauche américaine comme en témoigne par exemple l’article paru dans The Federalist rédigé par l’universitaire Kimberly Bloom Jackson.

(http://thefederalist.com/2017/05/23/americas-new-racial-segregationists-are-on-the-left/ )

 

Néanmoins, la différence que l’on peut constater par rapport à la France, à la lecture des articles polémiques, c’est qu’effectivement plusieurs collèges et universités américaines ont institué des pratiques de non-mixité raciales, y compris pour les personnes “blanches”, comme vecteur de lutte contre les discriminations. Les moments de non-mixité entre “blancs” servent alors à la conscientisation de privilèges blancs de la part d’étudiants qui veulent être des alliés dans la lutte anti-raciste des personnes de couleur.

 

Conclusion:

 

On peut constater que la question de la non-mixité, à des fins de lutte contre les discriminations, prend deux formes dans les universités américaines: d’une part la revendication par les étudiants d’attribution d’espace non-mixtes, et d’autre par l’institutionnalisation par les universités elles-mêmes de situation de non-mixité.

 

Pour aller plus loin, voir:

 

Chanelle Adams, “Une nouvelle peur rouge ? Domination et oppression sur les campus américains” (2016). URL: http://academia.hypotheses.org/2684

 

Voir également le film: Dear White People (2015) - Primé au festival de Sundance en 2014.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19550806&cfilm=225928.html