Multiplicité et unité dans les luttes anti-racistes

 

 

Plus que d’autres luttes, les luttes anti-racistes sont confrontées au problème de parvenir à construire de l’unité sur la base d’une multiplicité. En effet, les groupes victimes du racisme sont divers et leurs grilles d’analyses peuvent l’être également.

 

Les leçons du mouvement latinos aux USA

 

Comme le signale Paola Bachetta (1), dans un article paru fin 2017, le féminisme anti-raciste en France s’est beaucoup appuyé ces dernières années sur le black feminism, mais a largement négligé les apports du féminisme chicana et des mouvements latinos aux USA.

 

C’est tout à fait exact. On peut sur ce point espérer que la publication d’un ouvrage sur Les Young Lords Party (équivalent des Black Panthers durant les années 1970 aux USA) constitue un moyen de faire avancer la réflexion sur ce sujet (2).

 

Or les militant-e-s latinos/as ont été confrontés à la difficulté de devoir organiser un mouvement anti-raciste avec des personnes d’origine latino-américaine qui avait une expérience de racisation diverses aux Etats-Unis) (ex: noirs, indigènes, blancs/métissés):

 

L'organisation du féminisme latino-américain et latino-chicano continue d'évoluer, alors qu'un nombre croissant de Latinas en Amérique latine et en Amérique du Nord commencent à définir leurs propres formes de féminisme, qui sont distinctes et complexes. Qu'il s'agisse de l'Afro-Latina en Amérique du Nord, dont l'identité ethnique est souvent rejetée, ou de l'Afro-Latina en Amérique Latine qui fait face à une grande discrimination raciale outre son identité ethnique latino, ou la métisse ou latina "Blanche" en Amérique latine, qui occupe une position de privilège dans la société dominante dont elle est issues, mais qui en Amérique du Nord, est considérée comme «l'Autre» et confrontée donc aux préjugés et aux discrimination.”

 

De fait, l’expérience de la migration peut contribuer à racialiser des groupes qui a priori pourraient être perçus dans leur pays d’origine comme blanc. Ce qui montre bien que “blanc/che” n’est pas une couleur de peau, mais une position sociale.

 

Cette réalité complexe des groupes racialisées avait déjà été perçu depuis bien longtemps par les féministes chicanas avec la publications d’un ouvrage co-dirigé par Gloria Anzaldua et Cherrie Moraga, This Bridge Called My Back (3), comprenant des expériences très diverses de femmes racialisées aux Etats-Unis: noires, asiatiques, blanches immigrés d’un pays du sud...

 

Du fédéralisme aux coalitions: penser la multiplicité dans les mouvements sociaux

 

La question du fédéralisme libertaire avait été pensé déjà pour proposer une réponse libertaire à la question de la multiplicité. La fédération des communes était par exemple chargée d’assurer la possibilité d’articuler l’unité avec la multiplicité politique, économique et culturelle des localités.

D’une certaine manière, les politiques de coalition ont le même objectif dans les mouvements sociaux. Il s’agit d’assurer la possibilité à des personnes qui ont des caractéristiques sociales et des intérêts divergents de faire des alliances politiques.

 

A l’époque de Proudhon, ces différences sont liées à des options politiques, à des différences économiques et ethnico-culturelles.

 

Aujourd’hui, à ces dimensions s’ajoutent des luttes autour des questions féministes ou encore LGBTI.

 

Références:

 

(1) Paola Bachetta (2017) - URL: https://gric.univ-lehavre.fr/IMG/pdf/bacchetta_anzaldua.pdf

 

(2) L’histoire oubliée des Young Lords Party (extraits) URL: https://www.slate.fr/story/153971/young-lords-porto-rico

 

(3) This Bridge Called My Back- URL: https://monoskop.org/images/e/e2/Moraga_Cherrie_Anzaldual_Gloria_eds_This_Bridge_Called_My_Back_Writings_by_Radical_Women_of_Color-Kitchen_Table_Women_of_Color_Press.pdf