La colonie et les vilains : le contrat de colonie à Madère

 

«  Pour le peuple de Madère » est la formule qui commence et  termine le documentaire « La Colonie et les vilains » réalisé par Leonel Brito entre 1976-1977 (...)

Traiter des moments importants dans l'histoire de Madère, en entrelaçant les voix de l'histoire officielle et l'histoire des gens, c'est ainsi que ce documentaire cherche à tracer une analyse historique, sociale et économique de Madère, en donnant la parole aux hommes et aux femmes qui vivaient en silence des siècles d'oppression incarnées par contrat de colonie. Les histoires sont racontées par une génération qui a vécu l'expérience de la colonie maintenue par la dictature de l'Estado Novo, et la recherche d'espoir après la révolution du 25 Avril, en se concentrant sur plusieurs moments clés du développement historique

La définition de la structure sociale et économique de l'île de Madère a été tracée dès le peuplement. Les îles de Madère et Porto Santo ont été divisées en trois capitaineries attribuées aux trois capitaines donataires, Bartolomeu Dias, Vaz Teixeira et Tristão Gonçalves Zarco. Ceux-ci, ont à leur tour divisé la terre entre les grands seigneurs qui l'ont loué à des colons contre un échange entre le colon et son maître.

Les contrats de Colonie bien qu'ils aient été rentables au début de la colonisation, lorsque la productivité élevée du pays a permis de maintenir une certaine équité dans le processus, a par la suite donné lieu à des divisions socio-économiques profondes dans le tissu social de l'île. Le « vilain» travaillait pour nourrir et enrichir son maître, pour payer sa part conformément à l'accord de colonie, sous peine d'être expulsé de la terre, tout en luttant pour être en mesure de garantir la survie de sa famille. Les conditions de production des colons se sont détériorées au fil du temps en raison de l' usure de la terre et des mauvaises années agricoles. La seule option pour le vilain, afin d'échapper à la misère et à l' état d' aliénation, était l' émigration en particulier au Brésil, au Venezuela et en Afrique du Sud.

Les temps changent, les cycles économiques et sociaux se suivent, la culture de la canne à sucre cède la place au vin. Les Anglais deviennent les maîtres de Madère. La monarchie tombe et la République la remplace, pour finalement que s'installe la dictature de l'Estado Novo. Le seul dénominateur commun entre tous ces régimes est la condition d'esclaves des colons, rendant leur tribus aux seigneurs.

Le peuple patient enfin se rebelle durant les épisodes connus sous le nom de la Révolte de la farine (1931) et de la Révolte de l'eau à Ponta de Sol (1962). Ces révoltes ont été violemment réprimées par les nouvelles forces de l'Etat. La dictature de Salazar ne se soucie pas des gens dans la misère, il est l'allié des élites pour maintenir le paysan emprisonné dans son état historique.

Au milieu des années soixante, Madère a commencé à devenir une référence sur le marché du tourisme mondial. La construction des hôtels et des villas de luxe contrastait avec une population, essentiellement rurale, sans écoles et accès à l'éducation et aux soins de santé. Le développement économique de l'île se fait lentement.

En 1974, a lieu la Révolution des Œillets, et au sein de l'île convergent diverses forces qui définiront l'avenir de Madère. Les forces conservatrices et socialistes qui cherchent à trouver leur place dans la vie démocratique de l'archipel de Madère. Dans la petite ville de Ribeira Seca, Machico, le père Martins devient le visage de la lutte du peuple pour les idéaux d'Avril en guerre ouverte avec l'évêque D. Francisco Santana afin d'être l'une des figures tutélaires de la transition démocratique sur l'île de Madère. Peu à peu, le « vilain » relève les yeux et réclame un travail digne et équitable. Que chacun vive à la sueur de son travail.

Avec des images de vallées verdoyantes de l'île ponctuées avec d'extraits de films rares de Manuel Luiz Vieira, « La colonie et les vilains »,   documentaire produit par Leonel Brito, offre au spectateur un aperçu unique et original de l'histoire de Madère, avec comme acteur principal du documentaire le « vilain », pilier humain qui a jeté les bases de Madère, et qui sans l'entrave du contrat de colonie, parvient à avoir une voix dans l' élaboration de son avenir.

Pour voir le documentaire :http://aprenderamadeira.net/documentario-colonia-e-viloes-1978/

Remarque:

- Le Contrat de colonie était au Portugal était une institution propre à l'Ile de Madère s'appuyant sur une institution héritée de féodalisme: le métayage. Le nom métayage vient du fait qu'il consistait à partager pour moitié les produits des récoltes entre le cultivateur et le propriétaire. Le Contrat de colonie a été aboli en 1977 et considéré comme anti-démocratique.

- En France, le métayage est devenu minoritaire dès le XVIIe au profit du fermage. Aujourd'hui, la part du propriétaire ne peut pas dépasser 1/3 de la récolte et le cultivateur peut transformer le métayage en fermage sur simple demande.

- En 2006, a été aboli dans les DOM/TOM français le Contrat partiaire, institution qui était présentée comme un résidu de l'esclavage. Les cultivateurs devaient donner 15% de leur récolte.