Lu: Stephen D'arcy, Le langage des sans-voix

 – Les bienfaits du militantisme pour la démocratie – Eco-société, 2016.

 

Stephen D'Arcy est un militant, mais également professeur de philosophie à la Western Université en Ontario (Canada). Dans son ouvrage Le langage des sans voix, il s'interroge sur un problème de philosophie politique : l'usage de la violence par les mouvements sociaux est-il nécessairement contraire à la démocratie ou peut-il au contraire être un facteur d'avancé pour celle-ci ?

 

Pour répondre à cette question, Stephen D'Arcy met en œuvre les outils de la philosophie politique normative : il s'agit de se demander à quelle condition le recours à la violence dans le cadre d'une démocratie libérale pourrait être justifié ou pas. La tradition philosophique démocratique, avec Rousseau, a longtemps placé l'obéissance à la loi au-dessus de toute autre considération. Il a fallu attendre Thoreau, Arendt ou encore Rawls pour que la philosophie admette la désobéissance civile. Mais la philosophie politique libérale actuelle est dominée par une valorisation du dialogue rationnel qui conduit à délégitimer tout recours à la violence. Stephen D'Arcy place paradoxalement sa réflexion sur l'usage de la violence sous l’auspices d'une des grandes figures de la non-violence du 20e siècle : Martin Luther King. C'est en effet une de ses citations qui donnent le titre à l'ouvrage : « Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'émeute est le langage des sans-voix ».

 

L'ouvrage de D'Arcy entreprend une minutieuse enquête dont il n'est pas possible de restituer ici l'ensemble de l'argumentation pour déterminer les conditions que ce qu'il appelle « un modèle de sain militantisme ». Le modèle démocratique élaboré par D'Arcy comporte quatre principes. Le principe opportunité : le militantisme devrait créer des opportunités de résolution de problèmes lorsque les élites au pouvoir sont indifférentes ou entravent la résolution par le dialogue. Le « principe d'agentivité » doit conduit à ce que ce soit les premiers concernés qui décident. Le « principe d'autonomie » consiste à favoriser la discussion publique. Le « principe de responsabilité » consiste à ne s'engager que dans des actions dont on est prêt à justifier publiquement la légitimité. Lorsqu'une action respecte l'ensemble de ces principes, elle est considérée comme constituant un cas de sain militantisme. Une fois défini, l'auteur l'applique à différents cas pour déterminer dans quelle mesure ils respectent ou non les conditions de légitimité posées par ce modèle : la désobéissance civile, l'action directe, le sabotage, le black bloc, l'émeute et enfin la lutte armée.

 

La question a indéniablement des résonances par rapport aux controverses relatives aux black blocs durant le Printemps d'Erable ou plus récemment en France durant le mouvement social contre la loi travail. En cela, le travail d'Arcy constitue une base intéressante de réflexion pour des militants sur les limites morales à donner à leurs actions, mais également des arguments pour en justifier la légitimité.

 

 

 

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