Pédagogie pragmatiste libertaire et sociologie de l’éducation critique

 

 

Il existe un ensemble d’oppositions théoriques entre les pédagogies pragmatistes, dont font partie les pédagogies libertaires, et les sociologies critiques (marxistes, bourdieusienne…)

 

 

Pédagogies pragmatistes libertaires

(Proudhon, Dewey, Freinet…)

Sociologies critiques de l’éducation

(Bourdieu, Bernstein, Rochex…)

Objectif: Favoriser la spontanéité des élèves, leur liberté. (liberté)

Objectif: Lutter contre la reproduction des inégalités sociales. (égalité)

L’enfant possède des aptitudes naturelles qu’il s’agit de favoriser. (spontanéisme)

L’enfant arrive à l’école en ayant déjà subi une construction sociale inégalitaire. (constructivisme social)

Prendre appui sur le monde vécu des élèves. (valorisation du sens commun, continuisme)

Effectuer une rupture épistémologique par les savoirs scolaires et scientifiques, dont les sciences sociales critiques font partie.

(rupture épistémologique)

Motiver les élèves en partant de leurs centres d’intérêts.

Eviter les malentendus socio-cognitifs en ne mélangeant pas savoirs expérientiels et savoirs scolaires.

Mettre en activité les élèves: de l’action naissent les idées.

Mobiliser intellectuellement les élèves.

Favoriser l’autonomie des élèves par une pédagogie de la découverte.

Être explicite.

Valorisation de la différence des élèves.

La différenciation peut donner lieu à la construction d’inégalités. (différenciation active)

L’enseignant-e est un facilitateur. (maître ignorant)

L’enseignant est un expert de sa discipline.

(maître savant)

Horizontalité des relations dans la classe.

Démocratie. Dialogue. (coopératif)

Effectuer une transmission de contenus de connaissance. (transmissif)

Pédagogie invisible.

Pédagogie visible.

Ecueil: populisme.

Ecueil: misérabilisme.

Ecueil: néo-libéralisme.

Ecueil: néo-conservatisme.

 

 

Deux conceptions opposées ?

 

Il s’agit néanmoins de se demander si ces deux conceptions sont irréductiblement opposées ou s’il est possible de les articuler ?

 

En effet, l’école a une double nature. Son curriculum prescrit est de constituer une institution de masse pour faire entrer les élèves dans la culture scripturale (à la différence du préceptorat, qui est une pratique individuelle). La culture scripturale issue des classes intellectuelles requiert en effet un apprentissage explicite et structuré.

 

Mais sur le plan de son curriculum caché, elle est une institution disciplinaire qui visait initialement à préparer les élèves de milieu populaire à la discipline de l’usine et elle continue à reproduire les inégalités sociales.

 

Il s’agit cependant de revenir sur chaque dimension pour analyser comment les tensions peuvent être résolues.

 

Savoirs expérientiels et savoirs scolaires:

 

La naïveté concernant les savoirs expérientiels consiste à faire abstraction du fait qu’ils sont construits socialement, en particulier par la culture commerciale des médias de masse.

 

L’approche de Paulo Freire consiste à considérer que l’enseignant-e doit prendre appui sur les savoirs expérientiels, mais pour amener les élèves à un dépassement par une approche orientée vers une analyse sociale critique appuyée sur les savoirs scientifiques.

 

Ces savoirs scientifiques doivent constituer alors des “connaissances puissantes” (Young). Il s’agit de connaissances scientifiques orientées vers l’émancipation.

 

Autonomie et explicitation:

 

L’activité qui doit être visée pour l’appropriation des savoirs est l’activité intellectuelle. Or il s’agit justement de ce qui différencie les élèves en fonction de leurs dispositions socialement construites dans leur milieu social.

 

Elle requiert par conséquent une explicitation des stratégies cognitives qui sont maîtrisées par les dominants. De manière générale, il s’agit d’expliciter les stratégies qui permettent aux dominants d’exercer leur domination par l’intermédiaire du système scolaire (ce que Pierre Bourdieu appelle “vendre la mèche”).

 

L’autonomie et l’affirmation individuelle peuvent être favorisées lorsqu’il s’agit de discuter de manière critique les contenus de savoir ou d’apprendre à les transférer dans des situations complexes et significatives.

 

Ce qui peut donc être travaillé, ce sont les compétences critiques et de transfert plus que la capacité artificielle des élèves à reconstruire par eux mêmes des connaissances qui ont demandé des siècles de réflexion à l’humanité pour être produites.

 

La posture de l’enseignant et l’apprentissage coopératif:

 

Paulo Freire a souligné à juste titre que l’enseignant se situait dans une posture démocratique qui n’était ni le laxisme, ni l’autoritarisme.

 

L’apprentissage est mutuel, selon Freire, dans la mesure où les apprenants apprennent ce qui est dans le programme d’enseignement et que l’enseignant apprend à enseigner. Il est également mutuel parce qu’il repose sur le dialogue et non sur une transmission magistrale.

 

Paulo Freire insiste sur le fait que même si l’enseignant a une posture démocratique à travers le dialogue et la gestion démocratique de la classe, il n’est pas pour autant au même niveau que les apprenants.

 

L’enseignant-e en connait plus que les apprenants sur le sujet d’apprentissage et il sait où il veut aller dans le cadre de cet apprentissage.

 

La réflexivité critique sur la pratique:

 

L’enseignant-e doit garder une vigilance critique sur sa pratique qui l’alerte sur les malentendus socio-cognitifs et sur les pratiques de différenciation de manière à ce qu’elles ne construisent pas des inégalités sociales dans la salle de classe.

 

Conclusion: Pour une pédagogie dialectique

 

Une pédagogie dialectique est une pédagogie qui vise la dimension émancipatrice des pédagogies pragmatistes tout en ayant la vigilance réflexive de la sociologie critique.

 

 

 

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