Au coeur de la pédagogie critique: le dialogue

 

 

La pratique dialogique constitue le coeur de la pratique enseignante en pédagogie critique, entre la prise en compte de l’expérience vécue et la didactique critique de la lecture et de l’écriture. Mais la pratique dialogique critique se distingue de l’usage qui en est fait dans l’approche constructiviste issue de l’éducation nouvelle.

 

Deux contre-modèles: la pédagogie traditionnelle et l’éducation nouvelle

 

La pédagogie traditionnelle semble s’opposer naturellement à l’approche dialogique. Transmissive, elle consiste à considérer que l’enseignant déverse son savoir dans l’esprit d’un élève qui est passif par rapport à lui.

 

Néanmoins, la pratique dialogique en pédagogie critique se distingue également du modèle constructiviste proposé par l’Education nouvelle. Dans cette vision, les élèves doivent reconstruire, à partir d’une situation problème et par leur interaction dialogique, un savoir. Il s’agit de développer un conflit socio-cognitif qui aide les élèves à dépasser leur représentations immédiates dans le cadre d’un apprentissage coopératif entre pairs.

 

Ce type d’approche dialogique peut être présent, plus ou moins selon les approches, dans les ateliers de discussion philosophique. L’enseignant peut s’effacer totalement afin de laisser se développer la discussion entre les élèves. Certains reprochent alors à ces approches de ne pas permettre aux élèves de dépasser les opinions du sens commun.

 

Les échanges dialogiques en classe sont parfois accusés de favoriser les malentendus socio-cognitifs. Les élèves développent un rapport oral et proche de la vie quotidienne, alors qu’il s’agit de les faire entrer dans la culture scolaire, qui est une culture scripturale.

 

Enfin, les élèves, laissés à leur spontanéité dialogique, en réalité socialement construite, sont susceptibles de développer des discours sexistes ou racistes.

 

L’attitude dialogique

 

La première compétence d’un pédagogue critique est de savoir animer un dialogue critique. C’est pourquoi la pédagogie critique est une pédagogie anti-méthode. Elle ne repose pas sur un ensemble de techniques. Elle fait appel à la capacité de l’enseignant-e à établir une interaction authentique qui engage sa personnalité, ses compétences à communiquer et l’étendue de ses savoirs.

 

Cette capacité à animer un dialogue critique suppose deux dimensions qui relèvent, d’une part, de son attitude et d’autre part de ses connaissances.

 

Sur le plan de l’attitude, ses compétences consistent à favoriser la parole. Avant une séance de cours magistral dialogué par exemple, l’enseignant peut dire explicitement que les prises de parole sont les bienvenues et que les étudiants peuvent interrompre à tout moment le cours pour poser une question ou faire part d’une réflexion ou d’une objection.

 

Durant les interactions, il s’agit de favoriser la circulation de la parole en sachant à certains moments se mettre en retrait pour laisser les élèves ou les étudiants se répondre entre eux. Mais il s’agit également de savoir intervenir à nouveau lorsque cela est pertinent.

 

L’enseignant-e doit également être en capacité de laisser se développer une position divergente de la sienne, en ayant l’honnêteté intellectuelle de distinguer dans la discussion ce qui relève, dans sa prise de parole, de données factuelles sur lequelles il y a un consensus scientifique, et de ses prises de position personnelles.

 

Les contenus critiques et le développement de la conscience critique

 

Néanmoins la capacité de l’enseignant à développer la conscience critique des apprenants ne provient pas uniquement de l’attitude dialogique. Elle suppose également la capacité de l’enseignant à rattacher l’expérience vécue des apprenants à des contenus critiques renvoyant à une analyse critique systémique de la société.

 

Il s’agit là d’un point de divergence important avec la tradition constructiviste issue de l’éducation nouvelle. Il ne s’agit pas seulement de laisser les élèves discuter en pensant qu’ils seront à même de parvenir à une réflexion critique. Car dans la pédagogie critique, la conscience critique s’appuie sur un ensemble de savoirs issus des sciences sociales.

 

Cependant une question se pose alors: est-ce que l’enseignant ne risque pas d’orienter la discussion de telle manière qu’il/elle endoctrine les élèves? Cette question recouvre néanmoins deux dimensions qui sont à la fois épistémologique et morale. En effet, l’enseignant s’appuie à la fois sur des connaissances scientifiques et sur des dimensions axiologiques en lien avec l’éducation aux droits humains.

 

De fait, il n’y a pas de neutralité de l’éducation et de l’enseignant. Mais, ces orientations ne s’appuient pas sur une subjectivité partisane. Elles reposent sur des savoirs et des valeurs qui ont acquis une légitimité qui dépasse une simple orientation partisane.

 

Enfin, l’enseignant doit être attentif aux malentendus socio-cognitifs que peut générer la situation dialogique en faisant en sorte de distinguer la conscience quotidienne et la conscience critique.

 

Annexe:

 

Article du sociologue Jérôme Deauvieau sur les écueils du cours dialogué. URL: http://formation.apses.org/index.php?option=com_content&view=article&id=72:cours-dialogue-ou-activisme-langagier&catid=30&Itemid=126

 

 

 

 

 

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