De quoi le harcèlement scolaire est-il le nom ?

 

 

La thématique du harcèlement scolaire n'a commencé à être prise en compte sérieusement que depuis les années 2010 par les pouvoirs publics. Mais cette question est souvent analysée au prisme du bien-être scolaire alors qu'il s'agit d'une problématique qui est révélatrice d'autres dimensions plus profondes.

 

L'insuffisance de la maltraitance scolaire comme question relationnelle

 

Le bien-être scolaire est en partie traité, sous l'effet de la psychologie positive en particulier, comme une question relationnelle. Ainsi, la thématique de la bienveillance insiste sur les relations entre enseignants et élèves.

 

Cela se traduit par la mise en avant de la communication non-violente entre enseignants et élèves, mais également entre élèves, à travers par exemple les messages clairs.

 

Ce n'est pas le lieu ici de développer cette question, mais derrière les thématiques mises en avant par la psychologie positive et les neurosciences affectives se profilent des virtualités d'intériorisation de techniques de contrôle social, qui dans la continuité de l'univers scolaire, lorsqu'ils se trouvent appliqués dans le monde de l'entreprise peuvent conduire à dévaloriser toute expression de conflictualité sociale et de résistance à l'exploitation économique.

 

Les conséquences d'une institution disciplinaire

 

L'école a été catégorisée par le philosophe Michel Foucault parmi les institutions disciplinaires. Les contraintes qu'induisent l'institution disciplinaire scolaire sont génératrices de violence.

 

Néanmoins, il est tout à fait remarquable que concernant les études de victimisation, les élèves ne se sentent pas avant tout victime de la violence de leurs enseignants, mais de leur pairs.

 

La question consiste alors à se demander ce qui rend possible ces phénomènes de violence entre pairs et en particulier le harcèlement scolaire.

 

Il faut remarquer que l'école, en tant qu'institution disciplinaire crée des conditions tout à fait spécifique de vie contrainte en groupe.

 

On met bien souvent en avant les vertus socialisatrice de l'école, mais on oublie de mettre en relief les pathologies que peuvent générer la socialisation dans une institution disciplinaire.

 

Psychosociologie de l'institution disciplinaire

 

La psychosociologie, à travers les travaux de Salmon Asch, a mis en lumière comment l'existence d'un groupe peut induire des phénomènes de conformisme.

 

Mais ceux-ci peuvent se redoubler de comportements violents lorsqu'en outre les individus se trouvent pris dans une institution disciplinaire comme l'a montré l'expérience de Standford menée par le professeur Zimbardo.

 

Les études sur les mécanismes du harcèlement scolaire mettent en lumière que le premier élément consiste dans le fait d'ériger n'importe quelle différence (apparence physique, vestimentaire, origine ethnique, orientation sexuelle, goût…) en stigmate.

 

Le harcèlement scolaire est souvent également un phénomène de groupe. On peut y distinguer des leaders négatifs qui peuvent apparaître comme bénéficiant d'une autorité charismatique. Ceux-ci peuvent ainsi s'appuyer sur des phénomènes décrits par la psychosociologie comme la soumission à l'autorité.

 

On y distingue également les suiveurs et les spectateurs. Ces deux groupes mettent souvent en avant pour avoir participé au harcèlement ou ne pas être intervenu leur crainte d'être rejeté par le groupe et d'être à leur tour stigmatisé.

 

La construction de la « banalité du mal »

 

Les mécanismes de harcèlement scolaire, que les individus soient victimes, suiveurs ou leaders, participent de la constitution des comportements de « banalité du mal ».

 

La banalité du mal a été décrite dans différents contextes qui vont de situations historiques extrêmes – les régimes politiques totalitaires (Hannah Arendt) – à des situations ordinaires – en entreprise (Christophe Déjours). Les mécanismes de banalité du mal se construisent dans des situations ordinaires, mais dans des situations extrêmes, ils peuvent conduire à des conséquences particulièrement tragique.

 

L'école, en tant qu'institution disciplinaire, constitue ainsi un espace qui contribue à construire et à intérioriser chez l'individu de tels mécanismes sociaux que l'on retrouvera plus tard par exemple dans le monde de l'entreprise.

 

Conclusion :

 

La question du harcèlement scolaire ne peut être réduite à une question de relation interindividuelle. Elle doit être analysée avant tout à partir du contexte institutionnel. Plus une institution est disciplinaire, plus elle constitue un espace favorable au développement d'une vie micro-sociale de groupe reposant sur des dynamiques de violence.

 

 

Compléments :

 

Documentaire : L'enfer, il est dans ma classe – documentaire qui analyse assez bien les mécanismes du harcèlement scolaire - https://www.youtube.com/watch?v=AGolvd484Ac

 

Enquête de climat scolaire : élèves de premier degré - https://www.reseau-canope.fr/climatscolaire/diagnostiquer/connaitre-les-resultats-des-enquetes-nationales/enquete-de-climat-scolaire-eleves-premier-degre.html

 

Expérience de Asch sur Le conformisme de groupe - https://www.youtube.com/watch?v=7AyM2PH3_Qk

 

Expérience de Standford - https://www.youtube.com/watch?v=WUDTCMUEeTA

 

 

 

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