De l’infrapolitique en classe à une pédagogie de la résistance

 

Les pratiques au sein d’une classe peuvent être analysées sous l’angle de l’infrapolitique qui s’y développe. Mais au-delà de ces pratiques infrapolitiques, il s’agit de dégager les axes d’une pédagogie de la résistance. Cette pédagogie de la résistance relève d'une micropolitique qui peut être considéré comme une forme de militantisme.

 

De l’infrapolitique en classe ...

 

Il est possible de dégager deux stratégies des enfants de milieux populaires au sein de l’école en fonction de leur genre.

 

Les garçons de milieux populaires peuvent développer, selon les termes de Paul Willis, une culture anti-école. Leur résistance, à la domination de classe sociale et à la discipline scolaire qu’ils subissent, se traduit par des pratiques qui sont liées à la construction d’une masculinité en milieux populaires. Les formes de chahuts et d’indisciplines, conduisant à des punitions et des sanctions, sont la marque d’une résistance à ce qui est ressenti comme une contrainte imposée par la forme scolaire. Celle-ci devient d’autant plus insoutenable qu’elle se double de l’échec scolaire.

 

Des sociologues, comme Marie Duru-Bellat, ont pu interpréter les réussites scolaires paradoxales des filles comme l’expression d’une soumission et d’une obéissance plus grande des filles aux normes qui ont été construites par l’éducation sexuée différenciée. D’autres sociologues, comme Jean-Pierre Terrail, y ont vu au contraire l’expression d’un investissement plus grand des filles dans la réussite scolaire perçue comme une voie possible d’émancipation face à la domination masculine. Ces deux explications sont parfois opposées, bien qu’il soit possible de voir un lien entre les deux.

 

En effet, il est possible de faire l’hypothèse que l’éducation sexuée féminine développe chez les filles des habitudes à intérioriser des règles de comportement par l’observation. Il est alors possible de supposer que les filles réussissent mieux à l’école car elles sont capables de mieux observer et intérioriser les règles implicites qui permettent la réussite scolaire. Elles utilisent une stratégie qui consiste à “dérober” aux dominantes les secrets de leur pouvoir.

 

...A une pédagogie micropolitique de la résistance

 

La pédagogie de la résistance est tournée dans un premier temps vers la mise en place de tactiques qui visent à lutter contre la reproduction des inégalités sociales.

 

L’enseignant se situe dans une position ambiguë: à la fois de domination et de jouer un rôle possible dans l’émancipation. Le rôle d’émancipation peut passer dans l’explicitation des stratégies implicites qui sont la condition de possibilité de la réussite scolaire: “il vend la mêche”. Ces stratégies s’appuient sur la modélisation des activités cognitives, mais également sur l’analyse métacognitive et sociologique de ces stratégies.

 

Mais une pédagogie de la résistance visent également à construire des capacités de résistance chez les dominés. Ces capacités de résistance peuvent être construites par plusieurs manières:

  • 1) Le renforcement des capacités de résistance par un entraînement mental:

  1. par le travail sur le dialogue intérieur en favorisant le sentiment d’efficacité personnelle

  2. par l’entraînement aux stratégies d’apprentissage

  3. par l’entraînement à des stratégies d’apprentissage liées à l’esprit critique

  • 2) La posture dialectique de l’enseignant vise à permettre à l’élève d’être capable de ne pas se contenter d’une soumission servile à l’autorité intellectuelle:

  1. par le questionnement: l’enseignant passe beaucoup de temps à interroger les élèves en groupe classe de manière à vérifier leur compréhension en les entraînant à effectuer des inférences à partir de ce qui a été vu en cours (pratique guidée)

  2. par la formulation d’objections: l’enseignant favorise une posture critique chez les élèves

  3. par l’encouragement à aller plus loin par des inférences et par des lectures que ce que l’enseignant propose comme contenu en cours.

  • 3) L’enseignant doit encourager les élèves à développer et argumenter leurs thèses rationnellement face au groupe classe de manière à les entraîner à résister au conformisme de groupe.

  • 4) A l’écrit, l’enseignant doit encourager la capacité à aller plus loin que la restitution du cours en incitant à la réflexion critique et à la créativité intellectuelle.

 

Conclusion:

Les travaux sur l’apprentissage chez les enfants en bas âge montrent l’importance de la qualité des interactions en particulier avec la mère (qui socialement passe le plus de temps à s’occuper de l’enfant) pour l’apprentissage de la langue maternelle.

Les retours sur les cours en ligne mettent en lumière que les étudiants se plaignent du manque d'interaction, avec les enseignants, qui rendent les cours plus vivants et intéressants.

De fait, la qualité de l’enseignement réside sans doute dans la qualité des interactions que l’enseignant met en place avec ses élèves.

La qualité de ces interactions est de deux ordres. La première est motivationnelle: l’enseignant favorise un état d’esprit combatif et volontariste. La seconde est cognitive. L’enseignant produit un questionnement qui vise à faire produire par les élèves des inférences qui les aide à améliorer leur compréhension du cours. Mais, il doit également produire des interrogations qui les aide à développer leur esprit critique.

 

 

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