L’invention de l’enfance



Les anthropologues et les historiens le savent, l’enfance n’a pas toujours existé. Mais si on peut voir certains avantages éthiques à l’invention de l’enfance, force est de constater que l’on peut également faire la critique de cette construction sociale.


La dimension éthique de l’invention de l’enfance


L’invention de l’enfance peut être vue comme liée à la consécration d’une protection de l’enfant. En inventant l’enfance, on a inventé également la sacralisation de l’enfant. Cela a conduit à lui accorder des droits et une protection spécifique.


En particulier, les enfants se sont vus protéger du travail précoce. Il se sont vus accorder le droit à l’éducation. Cette consécration de l’enfance a abouti à la signature d’une convention internationale des droits de l’enfant en 1989.


Cette proclamation de droit souligne l’écart entre le réel et l’idéal dans de nombreux pays du monde.


De l’invention de l’enfance à l’infantilisation


Néanmoins la contrepartie de l’invention de l’enfance réside dans une tendance à infantiliser les enfants. L’infantilisation consiste dans le fait de traiter l’enfant en dessous de ses capacités de développement.


Un des traits de cette infantilisation consiste par exemple dans le fait d’adopter un langage régressif pour parler aux enfants appelé souvent le “parler bébé”. L’enfant a le droit à ce que l’on s’adresse à lui en respectant son intelligence. De ce fait, André Stern note avec justesse cette tendance à considérer l’enfant comme s’il était un “sous-être”.


L’infantilisation réside également dans le fait de ne pas encourager l’enfant à l’autonomie et ne pas le laisser expérimenter ce qu’il est en capacité de faire seul. A contrario, certaines pédagogies, comme celles inspirées par Maria Montessori, prennent pour objectif la devise suivante: “aide-moi à faire tout seul”.


La théorie selon laquelle l’enfant passe par des stades de développement fixes devient le prétexte pour maintenir certains enfants dans des apprentissages qui se situent en deçà de leur zone proximale de développement.


L’école par la standardisation des rythmes d’apprentissage qu’elle impose n’est pas étrangère à ce phénomène. Mais elle n’est pas le seul acteur qui agit dans ce sens. C’est le cas également de l’industrie du jouet. L’industrie du jouet doit sa raison d’être à l’enfance. Elle a associé au jouet des tranches d’âge, mais également l’idée que l’enfant aurait besoin d’un matériel spécifique dans ses activités: les jouets.


Or force est de constater qu’un enfant peut rester longtemps occupé par des outils qui ne sont pas des jouets. En effet, l’enfant désire grandir et il est bien souvent attiré par l’imitation des activités des adultes. Il désire se mettre au défi, voir s’il est capable de faire la même chose que les adultes.


Cette situation s’accompagne souvent d’un discours sur le risque de priver l’enfant de son enfance. Une enfance heureuse serait une enfance passée à jouer avec des jeux de son âge. La normativité de ce discours se remarque lorsqu’un enfant à des goûts qui ne sont pas de son âge, qui sont vus comme plus matures. Le soupçon serait alors qu’il s’agit d’un enfant qui ne sait pas s’amuser, qui risque de gâcher son enfance. Il s’agirait d’un enfant en réalité malheureux.


Conclusion: L’enfance est une réalité socialement plus ambiguë qu’il n’y parait: état social sacralisé d’un côté, mais également condition sociale qui parfois ressemble à l'enfermement de l’individualité dans un ensemble de passages obligés.


Complément:


Shulamith Firestone, Pour l’abolition de l’enfance, Editions Tahin Party, 2002

URL: http://tahin-party.org/firestone.html

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