Du rapport au savoir des enseignants aux pratiques pédagogiques en classe (II)

 

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II- Psychologie de l'apprentissage appliquée à l'enseignement


L'enseignant en formation est en situation d'apprenant et il a en tant qu'enseignant à former des apprenants. Il est donc nécessaire qu'il ait une connaissance des mécanismes d'apprentissages. La psychologie cognitive est à l'origine d'un courant en pédagogie : l'apprentissage stratégique. Il s'agit d'étudier les stratégies d'apprentissage les plus efficaces.



1- Motivation intrinsèque et extrinsèque.


L'engagement dans la tâche de l'apprenant est déterminé par le type de motivation qui l'anime. Certaines motivations sont plus propices aux apprentissages que d'autres. La motivation intrinsèque est la motivation que l'apprenant éprouve pour les apprentissages en eux-mêmes : il apprend parce que ce qu'il apprend l’intéresse. Ce type d'apprenant a des buts de maîtrise : ce qu'il l’intéresse en premier, c'est de dominer un champ de compétence. La motivation extrinsèque consiste à travailler pour un but extérieur qui peut être une bonne note, faire plaisir à ses parents… Lorsque l'apprenant est surtout motivé par la note, il a un but de performance. La motivation intrinsèque et les buts de maîtrise sont des sources de motivation plus solides et efficaces dans les apprentissages que les motivations extrinsèques et buts de performance.


De ce point de vue, la focalisation que le système scolaire et les parents accordent aux notes est contre productive. L'enseignant a intérêt à favoriser au contraire les motivations intrinsèques et les buts de maîtrise.


2- Intelligence fixe et intelligence modifiable.


La croyance qu'ont les élèves relativement à leur intelligence a un impact face à leur attitude relativement à une tâche. Les élèves qui pensent que l'intelligence est fixe et non modifiable ont tendance à attribuer leur échec à un manque d'intelligence.

Les élèves qui pensent que leur intelligence est modifiable croient que leur travail leur permet d'améliorer leur intelligence et qu'une difficulté face à une tâche peut être surmontée et qu'elle constitue un défi qui peut être relevé.


3. Raisonnement et mémoire


Ce ne sont pas les capacités de raisonnement des élèves (évalué par les matrices de Raven) qui sont le plus corrélée à la réussite scolaire, mais la mémoire sémantique comme l'a montré le psychologue Alain Lieury. Seules les mathématiques sont plus corrélées au raisonnement. Mais elles sont également corrélées dans une moindre mesure à la mémoire sémantique.


4. Les différents types de mémoire.


Les psychologues cognitivistes distinguent différents types de mémoire.


La mémoire de travail est limitée (environ sept unités : un numéro de téléphone), mais les experts grâce à leurs connaissances très structurées peuvent se servir de leur mémoire à long terme pour augmenter leur mémoire de travail.


La mémoire autobiographique : C'est une mémoire très stable qui recueille toutes les informations qui se rattachent à l'identité personnelle et à l'expérience vécue. Les psychologues cognitivistes insistent sur l'importance des connaissances antérieures dans les apprentissages.

Les bons élèves sont capables d'effectuer des liens avec leurs connaissances antérieures lorsqu'ils abordent un nouvel apprentissage. Le style éducatif des classes moyennes supérieures favorise cela avec la pédagogisation du temps de loisir. L'enseignant doit favoriser chez l'élève cette activité mentale consistant à faire des liens avec la mémoire autobiographique de manière à ce que les élèves retiennent mieux les informations.


La mémoire imagée : La mémoire des images est très puissante. Les images et les schémas peuvent être utilisés par l'enseignant pour favoriser un double encodage de l'information sous la forme à la fois verbale et visuelle. L'image fixe est plus performante que les images animées qui peuvent être vecteur de surcharge cognitive lors des apprentissages.


La mémoire lexicale : La mémoire lexicale intervient lorsqu'il s'agit de mémoriser l'orthographe des mots ou d'apprendre du vocabulaire dans une langue vivante. La stratégie la plus efficace repose sur la répétition et l'apprentissage par cœur.


La mémoire sémantique : C'est la mémoire du sens des mots et non pas du lexique. C'est une mémoire intelligente car elle est organisée sous la forme d'une carte conceptuelle qui structure l'information selon des liens logiques. Cette structuration de l'information permet d'effectuer des inférences et donc de produire de nouvelles informations à partir d'informations contenues en mémoire.

Plus l'enseignant a un cours structuré, plus il favorise la mémoire sémantique. Ce n'est pas la quantité d'informations, mais la structuration des connaissances qui est le plus important. Il est possible d'aider les élèves à travailler leur mémoire sémantique en leur faisant faire des tableaux, des schémas ou des cartes conceptuelles.

La mémoire sémantique ne repose pas sur l'apprentissage par cœur mais sur un apprentissage en profondeur pour mieux comprendre l'information. Il s'agit d'être en contact avec la même information formulée de différentes manières pour pouvoir mieux la comprendre.

La seule pratique de loisir corrélée positivement avec la réussite scolaire est la lecture personnelle. Selon les études PISA, à 15 ans, un enfant qui lit en moyenne une heure par jour à un niveau d'un an supérieur à un enfant qui lit peu.

La mémoire sémantique est la plus corrélée avec la réussite scolaire. C'est en particulier l'histoire-géographie qui est la matière la plus prédictive de la réussite scolaire.


La mémoire procédurale: La mémoire procédurale est la mémoire des savoir-faire. Elle suppose pour fixer la connaissance de s'exercer. Elle va être nécessaire pour automatiser des procédures de grammaire ou de mathématiques.


5. Les différents types de connaissance


Il ne faut pas confondre l'information et la connaissance. Sur Internet, il y a des informations, mais cela ne suffit pas à ce que cela construise de la connaissance dans l'esprit de l'internaute.

En effet, la connaissance, ce sont des informations reliées entre elles et structurées dans la mémoire à long terme.


On distingue dans l'apprentissage stratégique trois types de connaissances :

- les connaissances déclaratives : lexicales et sémantiques

- les connaissances procédurales

-les connaissances conditionnelles : elles permettent d'apprendre à transférer en situation les connaissances déclaratives et procédurales.


La différence entre un novice et un expert repose non seulement sur la quantité de connaissances structurées, mais également sur la pertinence des transferts effectués. L'expert saisit mieux la structure du problème et est moins sujet aux effets de surface.


6. La taxonomie de Bloom révisée


La taxonomie de Bloom révisée repose sur la distinction entre compétence intellectuelle de bas niveau – mémoriser, comprendre, appliquer – et les compétences de haut niveau – analyser, évaluer, créer.


Un enseignement adapté doit permettre de développer l'ensemble de ces compétences chez les élèves.


La psychologie de la créativité distingue créativité historique et créativité ordinaire. La créativité historique se manifeste après au moins dix ans de pratique chez des experts de génie : ceux-ci révolutionnent leur domaine de compétence.

La créativité ordinaire est la créativité dont est capable toute personne pour résoudre un problème. L'évaluation de la créativité repose souvent sur deux critères. La pensée divergente : c'est la capacité à trouver un nombre d'idées différentes à partir d'un même problème. Elle peut être travaillé par le brain storming ou encore la carte heuristique par exemple. L'originalité de la pensée : c'est la capacité à trouver des idées rares. L'originalité repose sur le fait d'effectuer des analogies entre des domaines éloignés. L'analogie demande de bonnes capacités de transfert de connaissances.


Dans une société de l'innovation, la créativité est une caractéristique attendue dans toutes les professions de conception, y compris celle d'enseignant. On parle ainsi de creative class.


Conclusion partielle : Les institutions qui visent à sélectionner les élites, telles que IEP de Paris, détectent bien souvent les apprenants sur leur capacité à aller au-delà des attendus scolaires. En effet ce sont des apprenants qui ont des motivations intrinsèques qui les poussent par la lecture en particulier à acquérir des connaissances qui vont au-delà de ce qui est attendu par le programme. Ce sont également des apprenants capables de faire preuve d'esprit critique et de créativité.

L'enseignant qui recherche l'excellence doit donc favoriser ce type de rapport au savoir : inciter les élèves à lire en plus du cours, leur donner des travaux qui sollicitent leur esprit critique et leur créativité.

Mais cela suppose sans doute qu'un tel enseignant ne soit pas seulement dans un rapport au savoir scolaire, mais dans un rapport au savoir qui vise pour lui-même l'excellence.


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