L’institution symbolique et la rationalité calculante


Les sociétés traditionnelles extra-européennes accordent une place centrale aux constructions symboliques mythiques dans leur rapport au monde. Traditionnellement, le travail éducatif de care des femmes est lié à un travail de production symbolique à travers le conte populaire. La modernité occidentale a mis au contraire au coeur de son rapport au monde la rationalité calculante.



Les sociétés traditionnelles extra-européennes et la construction symbolique


La modernité occidentale avait renvoyé les sociétés traditionnelles extra-européennes à un stade de développement historique antérieur. Les progrès techniques étaient vus, y compris par Marx, comme les gradiant de l’histoire humaine.


Les anthropologues, tels que Levi-Strauss, ont par la suite mis en valeur le fait que ces sociétés n’avaient pas orienté leur activité vers la maîtrise technique de la nature. Mais elles avaient, au contraire, accordé beaucoup de place dans leur activité à la construction de cosmogonies, de représentations symboliques du monde.


Le travail reproductif des femmes et l’institution du symbolique


Aux femmes a été socialement dévolu le travail reproductif. Ce travail implique en particulier la transmission de la langue maternelle et des représentions symboliques du monde et du social qui y sont attachées.


Ce travail de transmission de représentations symboliques passe en particulier par la narration de contes dits “traditionnels”. Il est remarquable que pour une part, ces activités - marquant là le mépris masculin qui leur est attaché - sont désignées comme des “histoires de bonnes femmes” ou des “contes de grands mères”.


Ces deux types production symboliques relèvent d’une interprétation du monde qui vise à lui donner un sens en particulier d’ordre axiologique (moral).


La modernité et la domination de la rationalité calculante


Avec la science moderne, la nature est considérée comme écrite en langage mathématique (Galilée).


Progressivement, le seul rapport au monde qui deviendrait légitime serait celui qui consisterait à mettre le réel sous forme logico-mathématique. Cela se traduit dans le système d’enseignement par la domination des mathématiques, et bientôt, conjointement avec celle-ci de la rationalité algorithmique.


Le rapport au monde qu’institue le travail de care des femmes se trouve dévalorisé. En effet, la socialisation féminine n’est pas tournée vers la maîtrise instrumentale du monde, mais vers les relations à autrui: éthique de la sollicitude (care) et communication langagière. C’est pourquoi la maîtrise du langage naturel comme moyen de communication et comme moyen de représentation du monde est prépondérante.


La proportion de filles en section littéraire en lycée s’explique également par l’adéquation entre leurs compétences socialement construites et les compétences attendues dans cette filière: langues étrangères, littérature... Il en va de même pour la prépondérance des filles dans les filières carrières sanitaires et sociales.


En définitive, la modernité légitime la domination de la mathématisation du monde et de son instrumentalisation par la technique. Sont reléguées comme sans valeur cognitive les représentations mythologiques, philosophiques ou artistiques du monde. Donner un sens au monde apparaît alors comme une activité intellectuelle de piètre valeur.


Conclusion:

La domination de la rationalité calculante implique la domination d’un certain rapport au monde en lien avec un certain type de socialisation de genre. S’y trouvent dévalorisés les rapports au monde qui se trouvent construits de manière prépondérante dans la socialisation féminine: sentiment d’empathie (contre calcul visant une instrumentalisation), représentation signifiante (contre une mathématisation). Ce qui se trouve ainsi délégitimé, ce sont les formes de connaissance et de représentation du monde et d’autrui qui renvoient: au sentiment, à la morale, à l’utilisation polysémique et métaphorique du langage.


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