Mémoire, inférence et créativité



La mémoire à long terme (MLT) est constituée entre autre de la mémoire épisodique (les souvenirs du sujet) et de la mémoire sémantique (des concepts et des faits). Il s’agit ici d’analyser comment la mémoire intervient dans des compétences intellectuelles dites de haut niveau.


Mémoire à long terme et compréhension


Qu’est-ce que comprendre ?


Les psychologues cognitvistes ont mis en lumière que les nouvelles informations étaient d’autant mieux comprises et mémorisées qu’elles étaient mises en lien avec les connaissances déjà détenues antérieurement par le sujet, en particulier celles contenues dans la mémoire épisodique.


Les connaissances déclaratives sont stockées dans la mémoire sémantique. Cette mémoire organise l’information sous une forme qui est comparable à une carte conceptuelle (ou arbre de classification).

(voir l’exemple suivant: http://www.cvm.qc.ca/gconti/103/03memoir/M01SEMA.JPG )


La richesse des liens entre la nouvelle information acquise et les précédentes augmente sa compréhension.


Mémoire sémantique, inférence et créativité intellectuelle


La notion d’inférence regroupe l’ensemble des raisonnements qui à partir d’informations données permettent de produire de nouvelles informations.


Les inférences effectuées à partir du contenu de la mémoire sémantique permettent au sujet de produire de nouvelles connaissances.

En effet, il peut à partir de l’organisation de sa mémoire sémantique effectuer:

  • des déductions à partir de la mise en lien de deux informations

  • effectuer une induction à partir de la mise en lien de deux informations en déterminant la catégorie la plus générale à partir de laquelle sont produites ces informations (montée en généralité, abstraction et classification)

  • déterminer des oppositions (des antonymes)

  • déterminer des ressemblances, effectuer des analogies entre des informations


Il est possible de donner des exemples d’inférences à partir d’une carte conceptuelle qui symbolise une petite partie d’une mémoire sémantique

( exemple de carte: http://www.cvm.qc.ca/gconti/103/03memoir/M01SEMA.JPG )


Exemple d’inférence:

Le canari est un oiseau donc il a des ailes. En revanche, il n’a pas de nageoire puisqu’il est un oiseau.

Si le canari a des ailes, alors c’est un oiseau. Car seul les oiseaux ont des ailes.


A partir de là, il est possible d’effectuer plusieurs remarques:


On comprend mieux le lien entre mémoire et intelligence, mais également leur disjonction. Il y a des personnes qui ont une mémoire vaste, mais semblent peu “intelligentes”, et vice versa. En fait, on peut considérer l’intelligence verbale comme corrélée à deux variables: la quantité d’information en mémoire et la quantité et la qualité des inférences effectuées à partir de ces informations.


Il est possible de définir la créativité intellectuelle à partir de deux critères: la pensée divergente et l’originalité. La pensée divergente consiste dans la quantité d’associations d’idées et d’inférences effectuées à partir d’une information. L’originalité consiste dans l’association d’idée et l’inférence entre deux informations qui ne sont pas habituellement mises en lien.


Sur le plan pédagogique, cela signifie que l’enseignement ne doit pas se contenter de demander à l’élève de structurer l’information (stratégies d’organisation), mais il doit l’inciter à effectuer des inférences à partir d’une première organisation de la connaissance pour aller plus loin dans leur maîtrise: a) en faisant des inférences entre ses connaissances de cours b) en se servant également des connaissances antérieures déjà stockées dans sa mémoire sémantique.


Néanmoins, il est possible de remarquer que ces opérations restent tributaires de l’engagement dans la tâche de l’élève: a) pour augmenter sa mémoire sémantique b) pour effectuer des inférences.


Il est possible enfin de mettre en lumière une différence entre la motivation et l’engagement dans la tâche. L’engagement dans la tâche désigne une attitude tangible pendant l’effectuation d’une activité. La motivation présuppose qu’il y aurait une énergie qui préexisterait à l’engagement dans la tâche et qui le déterminerait. Le degrés d’engagement dans la tâche semblerait dépendre du degrés de motivation. C’est une thèse très discutable. On peut être très motivé avant de réaliser la tâche et perdre toute motivation face par exemple à la difficulté de la tâche ou à son caractère fastidieux. A l’inverse, on peut ne pas avoir beaucoup de motivation avant, et une fois que l’on s’y met, se rendre compte que l’on s'investit fortement dans la tâche à réaliser. Par conséquent, la motivation ne semble pas être le déterminant principal de l’engagement dans la tâche.


Mémoire épisodique et créativité intellectuelle


La mémoire épisodique peut également constituer un facteur de créativité intellectuelle. Les exemples qui viennent immédiatement à l’esprit sont ceux où un artiste ou un écrivain s’est servi d’expériences autobiographiques pour nourrir sa création.


Mais, il est possible de se demander si l’originalité n’est pas liée également à la mémoire épisodique. En effet, il s’agit d’une mémoire idiosyncrasique, propre à chaque individu. Cette mémoire épisodique nourrie un point de vue situé sur le monde.


Il est possible de penser que les expériences vécues par un individu, sa manière personnelle d’y réagir émotivement, les interprétations qu’il s’en ai fait, peuvent nourrir sa vision du monde dans d’autres domaines parfois très éloignés de cette expérience vécue. Ainsi, Judith Butler met au coeur de sa théorie du queer et de la performance, la mise en relation entre sa propre expérience de la féminité et le fait d’avoir vu des drag queen dans des bars gays. Mais, pour que cette expérience puisse donner lieu à une théorie philosophique, il fallait qu’elle soit mise en lien également avec la mémoire sémantique de la philosophe.


Annexe:


Comprendre un texte suppose que l’élève effectue des inférences (implicites ou explicites) sur le texte:

“Il existe plusieurs types de capacités d’inférence qui ne font pas forcément consensus dans la littérature scientifique ; en voici les exemples principaux :

l’inférence de cohérence (text connecting) : le lecteur comprend la référence à certains éléments malgré l’utilisation de pronoms. Par exemple, dans la phrase « Rémi supplia sa mère de le laisser aller à la fête », le lecteur doit réaliser que « sa » et « le » réfère à Rémi afin d’en comprendre le sens ;

l’inférence d’élaboration (gap filling) : la représentation mentale de l’action, l’expérience du lecteur permettent de faire des connexions entre deux phrases. Par exemple : « Catherine laisse tomber le vase. Elle court chercher un balai ». Le lecteur doit comprendre que le vase s’est cassé sans que cela soit explicitement écrit ;

l’inférence locale : la représentation cohérente au sein d’une phrase ou d’un paragraphe (comprend l’inférence de cohérence, l’inférence de rôle, l’inférence de cause) ;

l’inférence globale : représentation cohérente de l’ensemble du texte comme par exemple la morale dans une fable ; − l’inférence on line : les inférences se construisent au fur et à mesure de la lecture ;

l’inférence offline : les inférences se réalisent à la fin de la lecture (Kaspal, 2008)” (Dossier de l’IFE, n°101, mai 2015).

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