La construction d’un cours en philosophie, sciences sociales et humaines



Trop de cours, aussi bien dans l’enseignement secondaire qu’à l’université, sont axés davantage sur la transmission d’informations que sur la transmission de connaissances. En outre, on peut constater dans certains enseignements ou disciplines une tendance à confondre un discours “nuancé” et l’esprit critique nécessaire à l’analyse de la complexité.


Dégager les structures problématiques


Un enseignement ne doit pas chercher avant tout à transmettre un contenu informationnel, mais le premier objectif auquel doit être sensible l’enseignant, c’est dégager les structures problématiques épistémologiques et les controverses théoriques qui organisent le champ disciplinaire ou sous-disciplinaire qu’il doit enseigner à ses élèves ou à ses étudiants.


En effet, l’apport tout à fait spécifique d’un enseignant par rapport à l’amas d’informations que l’on peut trouver sur Internet, c’est qu’un enseignant est un expert de sa discipline qui est sensé posséder une vision globale et approfondie de son domaine de compétence. Cela signifie qu’il est capable de mettre en valeur les structures problématiques les plus synthétiques qui lui semblent organiser ce champ.


Prenons le cas par exemple d’un enseignement de science politique. Le rôle de l’enseignant est de rendre sensibles ses étudiants à l’existence de structures transversales récurrentes qui traversent son enseignement. Cela peut être de leur indiquer qu’une des structures récurrentes peut consister dans l’opposition entre “essentialisme” et “constructivisme”. Il peut également indiquer des éléments concernant la structure générale de la problématisation de tout cours ou d’une dissertation: a) la problématique repose sur la mise en valeur d’une controverse théorique b) qui repose elle-même sur la capacité à discerner des conceptualisations divergentes d’une même notion.


Une fois que ces structures sont clairement posées, il devient alors possible de mettre en place les informations qui seront transmises aux apprenants. Ces structures doivent être régulièrement rappelées à chaque fois qu’une nouvelle thématique de cours est abordée.


Dégager les enjeux


Un autre défaut des enseignements qui se concentrent avant tout sur la transmission des informations, c’est qu’ils négligent la mise en valeur des enjeux de ce qui est transmis à l’apprenant. Il arrive parfois que l’on ne souhaite pas, même au niveau universitaire, que l’étudiant s’interroge sur les enjeux ou le cadre théorique qui lui est transmis.

Or l’enseignement devrait au contraire mettre en évidence les enjeux des cadres et des positions théoriques des connaissances qu’ils transmettent.


Par exemple, lorsque l’on étudie un auteur, il s’agit de situer sa position dans le cadre du champ de controverse dans laquelle elle se situe et les enjeux scientifiques, sociaux et politiques de ces controverses.


Art de la “nuance” ou formation à l’esprit critique ?


Il arrive que certains enseignements axent leur discours sur la formation au jugement nuancé des élèves (par exemple en SES au lycée) ou des étudiants. En même temps, il peut arriver que l’étudiant se trouve confronté à l’injonction presque paradoxale de faire preuve de “nuance” tout en étant en même temps capable de prendre une position ferme. Cela laisse peu d’espace: il ne reste plus qu’à choisir une position médiane, à se tenir fermement au milieu.


En réalité, plutôt que l’art de la nuance et de l’absence de position tranchée, c’est plutôt l’art de répondre aux objections et aux critiques face à une position qui s’avère important: c’est-à-dire la formation à l’esprit critique, plutôt qu’à l’art de la nuance. C’est la formation à la capacité à prendre en compte dans sa réflexion les faits ou les arguments qui peuvent conduire à affiner ou modifier une position.


En effet, on oppose bien souvent une position nuancée et une position tranchée, mais prendre des décisions, c’est trancher un problème dans un sens ou un autre. Cela demande donc un certain courage intellectuel qui s'accommode mal des habiles prudences de l’esprit de nuance.



Conclusion:

A contrario, un élève ou un étudiant performant est celui qui parvient à repérer les structures problématiques qui sont sous-jacentes au domaine qui lui est enseigné. L’étudiant qui est capable en outre d’aller au-delà de l’enseignement qui lui est professé est celui qui parvient à dégager des enjeux qui ne sont pas présents explicitement dans le cours. Enfin, plus que sur l’esprit de nuance, la formation intellectuelle doit être centrée sur l’acquisition des méthodes critiques.


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