Noter, évaluer…


Le Ministère de l’Education nationale a entrepris une consultation qui doit conduire à la réforme de l’évaluation scolaire.


La notation en débat


Les partisans de la notation scolaire en font une garantie d’efficacité de l’enseignement. Des élèves qui n’auraient pas de notes seraient incapables de s’évaluer correctement et perdraient l’émulation que crée le classement. Ces partisans arguent de l’utilité de la notation afin de maintenir l’excellence au sein du système scolaire français.


Il est possible d’opposer plusieurs arguments à cette position:


Tout d’abord, la notation loin de provoquer une saine émulation, constitue un mode de reproduction et socialisation des individus à la compétition interindividuelle. En ce sens, la notation est en homologie avec le système économique libéral et capitaliste.


Ensuite, la notation, loin de motiver l’ensemble des élèves, conduit à décourager les élèves les plus faibles. Lorsqu’ils sont en difficulté, de mauvaises notes les découragent rapidement. Elles contribuent donc à fabriquer et à accentuer l’échec scolaire.


Enfin, la notation n’est pas une garantie d’excellence scolaire. Au lieu de s'intéresser aux contenus d’apprentissage, les élèves s'intéressent avant tout à la note.

De fait, l’attitude utilitariste que provoquent les notes contribue là encore à favoriser l’échec scolaire, puisque les études scientifiques montrent que les meilleurs élèves sont ceux qui ont avant tout des buts de compétence (maîtriser une discipline) et non des buts de performance (avoir de bonnes notes).

De même des études scientifiques ont montré que lorsqu’on rétribue des apprenants pour faire ce qu’il faisaient auparavant avec plaisir, ils perdent l’intérêt pour le contenu (leurs productions perdent en qualité) et ne continuent leur activité que s’ils obtiennent de nouveau une rétribution.


Réformer, mais dans quel sens ?


La réforme de l’évaluation scolaire se heurte à des difficultés liées à la méthode. Substituer aux notes des lettres de l’alphabet ne change pas le fond du problème. L’évaluation par compétence conduit à un travail technocratique chronophage et illisible où se succèdent quantité d’items. En outre, la remise en question des notes se heurte aux protestations des parents, en particulier ceux des classes moyennes supérieures, qui sont attachés à la compétition scolaire, qui permet de sélectionner leurs enfants pour qu’ils intègrent les grandes écoles.


Dans le cadre des conditions actuelles, il me semble qu’il ne s’agit pas de se concentrer sur la disparition des notes. Il s’agit plutôt d’éviter au maximum l’échec scolaire et de permettre à tout élève qui travaille d’avoir au moins le sentiment de ne pas être en échec, à défaut de se percevoir comme excellent.


Il me semble par conséquent que des objectifs simples et qui correspondent à ce qui peut être réussi sur la base d’un travail personnel devraient valoir 10 à une copie. Les élèves qui n’atteignent pas cet objectif lors d’un premier devoir doivent avoir la possibilité de l’atteindre en refaisant le devoir (en particulier si l’enseignant ne rédige pas la correction) ou de l’atteindre lors du devoir suivant. Ce qui signifie alors qu’il y a une certaine stabilité dans le temps de ces objectifs minimaux.


Par exemple en philosophie, il est possible de noter à 10 le fait que l’élève suive d’une part une méthode de rédaction rigoureuse (formulation d’un problème en introduction, respect de consignes de mise en page…) et d’autre part qu’il mobilise des connaissances de cours (référence à des théories philosophiques) même si cela est fait maladroitement.


L’étalonnage des notes au-dessus de 10 vise ensuite à apprécier la pertinence du propos et de l’usage des références philosophiques. Il reste bien assez de notes entre 10 et 20 pour hiérarchiser les élèves puisqu’un certain nombre de parents y sont encore attachés.


Les élèves qui sont en-dessous de 10 doivent avoir au contraire le sentiment qu’avec uniquement un travail de respect des consignes et d’apprentissage des connaissances, ils auraient accompli le minimum que l’on pouvait attendre d’eux. En effet, il est aujourd’hui tout à fait possible qu’un élève qui travaille beaucoup soit durant toute sa scolarité en sentiment d’échec scolaire. C’est ceux qu’Anne Barrère désignent comme les “forçats de l’école” dans son ouvrage Travailler à l’école.


Conclusion: Que certains, au nom d’un mérite (basé sur le travail de chacun), prétendent faire admettre la nécessité des notes, c’est une thèse qui peut être contestée au vu par exemple de la place de la reproduction des inégalités sociales à l’école ou de facteurs tels que “la constante macabre” (1).

Mais si ces personnes vont jusqu’au bout de leur raisonnement, elles ne devraient pas admettre que des élèves qui travaillent soient en échec scolaire toute leur scolarité. Il est nécessaire que les objectifs pédagogiques minimaux fixés dans chaque matière permettent à chaque élève, sur la base de critères qui ne reposent que sur le travail, d’obtenir au minimum 10 de moyenne sans que les lacunes qu’il a pu accumuler précédemment ne viennent entraver cela.


Rapport de l’IGEN sur La notation et l’évaluation des élèves (2013).

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000726/0000.pdf


(1) Tendance des enseignants, quelque soit le niveau de la classe à noter les élèves en répartissant les notes des élèves selon une courbe en cloche avec une grosse proportion de notes moyennes et une plus faible proportion de bonnes notes et de mauvaises notes.   

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