Savoirs d'expérience et savoirs techno-scientifiques

 

- Les exemples de la médecine et de l'agriculture -

 

 

L'enseignement dominant de l'histoire de la médecine et de l'agriculture a reposé sur une dévalorisation systématique des savoirs d'expérience au profit des savoirs tirés de la rationalité scientifique moderne.

 

Jacques Ellul, dans un documentaire intitulé La trahison de la technologie, rappelle qu'il n'effectue pas une critique de la technique en soi, mais de la technique moderne. Il ne s'agit pas ici d'évaluer les mérites ou les défauts des technologies modernes, mais de souligner comment s'est imposé dans le discours dominant dans l'enseignement de l'histoire ou de la philosophie, une conception rationaliste de l'histoire des techniques discutable.

 

Cette histoire des techniques au nom du rationalisme des Lumières a conduit à décrédibiliser tous les savoirs issus de l'expérience pratique comme étant irrationnels et archaïques.

 

En matière médicale, la médecine moderne et l'industrie chimique pharmaceutique ont imposé la thèse de l'inefficacité des médecines traditionnelles, des remèdes de « grand mère »... Néanmoins, force est de constater que par exemple la phytothérapie conduit à relativiser de telles thèses. En effet, on peut souligner comment la brevetabilité du vivant a pu constituer un enjeu sur ce plan. En effet, des laboratoires pharmaceutiques ont souhaité pouvoir breveter des molécules extraits de plantes utilisées traditionnellement. On peut à cet égard prendre l'exemple de la stévia. Il s'agit d'une plante qui a été utilisée pour ses propriétés sucrante depuis des siècles par des peuples du Bresil. Les scientifiques se sont aperçus de sa faible teneur calorique. S'en suit des conflits d'intérêt importants entre les producteurs d'édulcorant de synthèse et ceux qui souhaitent commercialiser la stévia. En France, en 2010, ce n'est pas la plante elle-même qui a été autorisée pour commercialisation à la suite d'une longue bataille juridique, mais une forme purifiée, par exemple sous forme de poudre ou liquide.

 

Si l'on prend l'exemple de l'agriculture, on peut s’intéresser tout d'abord à la manière dont les physiocrates, courants d'économistes libéraux qui s'inscrivent dans les Lumières, prétendent développer une agriculture rationnelle qui rompt avec les formes traditionnelles jugées pas assez productivistes. Mais c'est plus encore la mécanisation et le développement de l'agriculture chimique qui impose un autre modèle, fondé sur une agriculture intensive et nécessitant peu de main d'oeuvre.

 

Ce choix agricole a longtemps été présenté comme une nécessité rationnelle. Néanmoins, l'impact écologique et sanitaire de ces orientations agricoles fait désormais l'objet d'une discussion dans l'espace public. En effet, un premier point est mis en avant : il aurait été possible d'effectuer des choix qui conduisent non pas à abandonner les formes traditionnelles d'agriculture, mais à les améliorer. C'est ce qui caractérise les recherches en agroécologie ou en permaculture. De même, un second point peut être souligné : plutôt que de s'orienter vers une agriculture avec une main d'oeuvre faible, il aurait peut être été possible de mettre en place des modèles d'économiques visant à améliorer les conditions de vie et de travail des paysans. C'est ce que défendent par exemple les tenant de l'agriculture paysanne (Confédération paysanne, Mouvement des paysans sans terres...).  

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