Réflexions sur le technicisme à l'ère de la connexion généralisée

 

Avec la cybernétique, le technicisme (idéologie du réductionnisme technique) a prétendu changer de paradigme, en ne faisant non pas de la mécanique le modèle du vivant, mais du vivant le modèle de la technique. Les illusions de l'enthousiasme techniciste reposent en particulier sur la confusion entre le modèle technique et le vivant. Car la modélisation tend à être érigée en modèle qu'il faudrait que l'intelligence vivante suive. Le risque d'une nouvelle aliénation technique ne repose pas uniquement aujourd'hui sur le fait que l'intelligence artificielle remplace totalement l'intelligence humaine (ce qui tient pour l'instant de la science fiction sauf pour les transhumanistes), mais dans le risque plus immédiat que l'intelligence humaine se trouve réduite à l'intelligence technicienne et que celle-ci devienne le modèle paradigmatique de la pensée.

 

I- Extension du domaine de la machine, rétrécissement de la nature humaine

 

 

Le mythe de la nature humaine a été construit par opposition à l’altérité du non-humain entendu tour à tour par exemple comme l’animal ou le barbare. Néanmoins, l’extension du domaine de la machine implique une transformation de la nature humaine.

 

La notion de nature humaine a été pensée comme le corollaire d’un projet arraisonnement de la nature où l’être humain s’est arrogé le statut de maître et possesseur de la nature. L’existence d’une nature humaine spécifique avec ses caractéristiques propres a constitué un instrument de justification de ce projet.

 

Avec l’autonomisation du système technicien et le perfectionnement des machines, ce sont aujourd’hui les progrès de ces dernières qui conduisent à redéfinir constamment le concept de nature humaine en effectuant un rétrécissement progressif des propres de l’humain.

 

L’économie capitaliste organise la concurrence entre le travailleur humain et la machine sur le plan de leurs capacités cognitives. La nature humaine n’est plus un concept fixe et immuable, mais elle devient un espace en rétrécissement constant.

 

L’être humain s’est pensé comme maître et possesseur de la nature. Mais son propre désir de puissance et de domination de la nature le conduit à engendrer un progrès technologique qui le menace dans sa propre fiction anthropologique.

 

Le paradoxe est ainsi le suivant: plus l’être humain affirme sa supériorité sur la nature, plus il développe le progrès technique, et plus grandit en lui l’inquiétude d’engendrer la créature qui remettra en question sa domination.

 

C’est ce qu’illustre l’histoire de Frankenstein. L’histoire de Prométhée, de la Tour de Babel ou de Faust relatent la crainte de la punition face au créateur divin. L’humanisme moderne, qui fait de l’homme un Dieu pour l’homme, produit le mythe de Frankenstein: l’angoisse de l’humain face à sa propre création et à la perte de maîtrise de celle-ci.

 

Ainsi, tout rapport de maîtrise/servitude semble engendrer la crainte de son renversement dialectique. A partir du moment où la machine est pensée comme un serviteur, alors le rapport de maîtrise/servitude est susceptible de se renverser en son contraire: c’est la thématique du soulèvement des machines.

 

 

 

II- Continuisme de l’homme-machine et pensée de l’ingénieur

 

 

Dans l’Antiquité, Aristote considère la technique comme une production naturelle. Mais en faisant cela, il est conduit à introduire dans la nature une intentionnalité. Si la nature produit des techniques, alors elle implique l’existence d’une finalité.

 

Contre le finalisme de l’intelligence que suppose l’idée de technique, l’anthropologie a pensé l’usage de l’outil comme précédant l’augmentation du volume cérébral. Ce n’est pas parce que l’être humain est intelligent qu’il a des mains, mais c’est parce qu’il a des mains qu’il est intelligent. C’est donc de l’action que naissent les idées.

 

Contre le finalisme antique, la modernité a pensé la nature sous la forme d’un mécanisme. Ce paradigme mécaniste a été appliqué à l’être humain lui-même. Le fonctionnement de l’humain devrait être pensé comme le fonctionnement d’une machine. Cette conception est une vision constructiviste d’ingénieurs qui prétendent produire de la complexité en assemblant des briques de matière les unes avec les autres. C’est le paradigme de la machine.

 

Mais le mécanisme ne peut rendre la continuité de l’action vivante. L’action du vivant qui utilise des outils et qui s’anthropise par l’usage de ces outils ne se réduit pas un simple assemblage mécanique.

 

La cybernétique, en prenant son modèle dans le vivant, a prétendu d'une certaine manière répondre à cette critique de bergsonnienne. Pour autant, la biologie de synthèse constitue un exemple de la persistance de ce paradigme atomistique et mécaniste au cœur du projet techniciste postmoderne.

 

 

III- La pensée de la technique face aux illusions de la pensée technicienne

 

 

L’enthousiasme technique désigne une forme de la pensée technicienne qui consiste à considérer entre autre que les objets techniques peuvent transformer positivement l’intelligence humaine.

 

Les illusions de l’enthousiasme technique

 

La critique de l’enthousiasme technique fait souvent l’objet d’une réprobation qualifiée de technophobie. Néanmoins, il est nécessaire de distinguer les deux attitudes. La critique de l’enthousiasme (Schwärmerei) technique n’est pas une critique de tout progrès technique en soi, elle est une mise en garde contre les illusions de la raison générées par le progrès technique.

 

L’illusion de la pensée technicienne consiste en particulier dans le fait de croire que l’objet technique en lui-même peut-être formateur d’une pensée intelligente. L’intelligence artificielle de la machine pourrait former l’intelligence vivante de l’humain.

 

A l’ère du connexionnisme généralisé, le paradigme de l’homologie du cerveau et du web peut laisser penser que le réseau de la toile Internet pourrait informer de lui-même le réseau neuronal de l’humain.

 

Mais il faut prendre au contraire en compte la capacité socialement construite à organiser l’information reçue pour que celle-ci soit utilisable. L’information sur Internet n’est pas méta-organisée. Or pour quelle soit productrice d’intelligence, il faut qu’elle soit incluse à l’intérieure d’un réseau sémantiquement organisé. C’est ce qui caractérise le travail de l’intelligence humaine.

 

L’une des particularités de la plasticité neuronale consiste dans la capacité à réorganiser constamment l’information reçue afin de créer des interprétations nouvelles et cohérentes de la réalité. C’est à cette condition que la machine peut devenir source d’information. Mais cette capacité à produire un sens organisé ne peut pas être acquise au contact de la machine car c’est au contraire le rôle de l’intelligence humaine de la produire.

 

En revanche, la capacité à produire des interprétations socialement organisées sont socialement distribuées en fonction des inégalités sociales. La pensée technicienne est donc une pensée de l’oubli de l’influence du social dans l’usage et la réception des outils techniques.

 

Ainsi, si tous les types de contenus existent sur le Net, des plus intellectuels aux plus commercialement médiocres, là encore leur consultation est socialement distribuée. L’accessibilité des contenus n’est pas qu’une question technique, elle est avant tout une question sociale.

 

IV- Fracture numérique: la machine comme rapport social

 

« Dans l’artisanat et la manufacture, le travailleur se sert de l’outil ; dans la fabrique, il est au service de la machine. » (Marx)

 

ceux qui disposent de la machine et ceux dont la machine dispose” (Simone Weil)

 

Quelle est la différence entre l’outil et la machine ? En quoi la machine est-elle aliénante ? Au sens conceptuel, on peut appeler machine toute innovation technique ayant un fonctionnement autonome qui produit un rapport social de domination et d’exploitation.

 

Tout objet technique n’est pas criticable en soi. Mais il l’est en tant que par sa forme même de fonctionnement il induit un rapport social de domination ou d’exploitation. Illich qualifie d’outil convivial, tout outil qui favorise l’autonomie de celui qui s’en sert. Au sens général, l’outil technique peut désigner l’objet technique au service de l’utilisateur.

 

La notion de machine peut être réservée pour désigner un objet technique qui induit un rapport social. La notion de fracture numérique peut être utilisée pour désigner, non pas seulement le fait que certains ont à disposition des techniques numériques et d’autres non. Cette notion peut s’appliquer pour désigner un certain rapport à la machine: à savoir ceux qui sont soumis à la machine et ceux qui maîtrisent la machine.

 

La fracture numérique engendre donc une aliénation technique. Il existe deux formes d’aliénation technique.. .

 

La première consiste dans le rapport social qui fait que certains possèdent les compétences intellectuelles et techniques pour maîtriser la machine. Cette forme d’aliénation technique est liée au niveau de formation. La reproduction de l’inégalité sociale favorise l’aliénation technique et donc la fracture numérique. Dans ce cas, la machine peut devenir outil en fonction du niveau de compétence technique du sujet: celui-ci passe du statut de sujet assujetti à celui de sujet autonome.

 

La seconde consiste dans le fait que la forme même de l’objet technique peut supposer de part son fonctionnement même un rapport social lorsque certains ont la fonction sociale de contrôler la machine et d’autres celle de la servir. C’est ce que produit le travail industriel: l’ingénieur et le manageur dirigent la machine, tandis que les ouvriers sont au service de la machine.

 

L'existence d'une orientation de l'histoire de la technique vers la production de machines induisant un rapport social inégalitaire est ce qui constitue la dimension socialement problématique du technicisme. L'autonomie du système technicien provient de sa capacité à produire des rapports sociaux inégalitaires par la structure même des objets techniques produits.

 

V- Capacités cognitives à l’ère du monde numérique

 

Quelles capacités cognitives développer chez les élèves et les étudiants à l’ère de la concurrence organisée par le capitalisme entre les capacités cognitives du travailleur humain et les machines ?

 

L’enjeu est double. Il est tout d’abord celui de la mise en concurrence des capacités cognitives des travailleurs humains et des machines dans le capitalisme cognitif. Mais il est également celui de la fracture numérique entre les travailleurs qui développeront les capacités leur permettant de ne pas être remplacé par l’intelligence cognitive des machines et les autres.

 

L’intelligence artificielle est aujourd’hui capable de concurrencer principalement l’être humain dans la mémorisation de l’information et dans le calcul. Par exemple, l’ordinateur permet de traiter des données numériquement importantes en effectuant des calculs de probabilité sur ces données de manière à prendre une décision.

 

Les capacités qui demeurent les plus difficilement modélisables à partir de l’intelligence artificielle sont celles qui impliquent la signification comme la traduction. Dans l’analyse de données, la construction de catégories pertinentes pour classifier les données et leur interprétation suppose le recours à la signification.

 

De même, une prise de décision ne peut pas uniquement faire intervenir des considérations quantitatives concernant par exemple le coût de production. Elle implique également des considérations culturelles et éthiques qui supposent de saisir les conséquences sociales des décisions prises. Plus une décision est prise à un niveau de responsabilité économique et politique élevé, plus elle doit prendre en compte les significations culturelles et leurs enjeux.

 

La bêtise de l’enthousiasme technique, c’est qu’il conduit à prendre la machine pour modèle de l’intelligence humaine et de la décision : on réduit l'intelligence vivante à une intelligence calculante. Bergson écrivant que le rire naît lorsque l’on plaque du mécanique sur du vivant. Il n’en va guère autrement dans l’enthousiasme technique.

 

L’histoire, par exemple récente, a donné plusieurs exemples de la bêtise de la réduction de la décision humaine à de simple considération quantitatives: crise des subprimes ou commercialisation de médicaments présentant des risques sanitaires en constituent des exemples qui seraient comiques, s’ils n’étaient pas tragiques dans leurs conséquences. Les cas les plus tragiques ont été atteint dans la domination de la raison calculante dans la solution finale mise en oeuvre par les nazis ou encore plus récemment dans le génocide rwandais par exemple.

 

Les élèves et les étudiants n’ont pas avant tout besoin que l’on forme à la culture numérique même si savoir rédiger des algorithmes qui permettent de donner des instructions aux machines peut apparaître comme une source d’autonomie et de maîtrise de la machine. En réalité, cela provient du fait que toutes les tentatives pour former au procès techniques dès le plus jeune âge ont échoué depuis 30 ans : les techniques se succèdent trop rapidement et ces savoirs deviennent obsolètes avant d'avoir pu servir.

 

Avant tout, ce dont l’on a socialement besoin, ce sont des personnes capables d’avoir une saisie globale et organisées des situations et de leurs enjeux qui n'adoptent pas une logique réductrice, par exemple de type uniquement calculante. Cette capacité ne peut pas être développée par le contact avec les machines. Car c’est au contraire la particularité de l’intelligence humaine de produire de l’information sémantiquement et globalement organisée, ce que l’on appellera des interprétations.

 

Les machines stockent des données. Sur Internet, on trouve certes de l’information. Mais la plus-value du travailleur dans le capitalisme cognitif réside dans sa capacité à partir des informations déjà présentes sur Internet de produire de nouvelles connaissances.

 

Nelson Goodman conceptualise la création artistique comme la capacité à créer des mondes possibles. Dans l’économie cognitive postmoderne, il est possible de considérer que l’individu capable de produire la plus forte valeur ajoutée est celui qui est capable de produire des interprétations du monde. La place qu’occupent les artistes au sein de l’économie et donc l’industrie culturelle tient en partie à leur capacité à produire des interprétations du monde. Le jeu video est devenu la première industrie culturelle par sa capacité à produire des mondes possibles dans lesquels peuvent se projeter les joueurs. Néanmoins le jeu video est l’exemple paradigmatique qui illustre la fracture numérique: il est une production de monde possible caractérisé par une pauvreté sémantique et son caractère stéréotypé.

 

Ce que font le marketing et la publicité, ce sont également de vendre à travers un produit, un ensemble de significations culturelles et sociales qu'ils rattachent à ce produit. Le “créatif” est celui qui fait d’un produit de consommation, le signifiant d’un monde possible désirable pour le consommateur.

 

Les religions, les idéologies politiques, la création artistique et les industries culturelles, la publicité et le marketing, la philosophie et les théories scientifiques sont des productions d’interprétation du monde qui proposent des perspectives complémentaires ou contradictoires selon les versions. Il existe certes des interprétations plus justifiées que d’autres par leurs capacités à intégrer un plus grand nombre d’information de manière cohérente.

 

Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas une réalité matérielle au-delà de ces interprétations. Mais ces dernières jouent un rôle indéniable dans la justification ou la critique des rapports sociaux tels qu’ils existent et donc dans la manière de les percevoir.

 

Enfin, il faut bien reconnaître que la capacité à produire des mondes possibles est ambivalente. En effet, elle permet aussi bien la critique que la justification de la réalité telle qu’elle est.

 

VI- Pédagogie et industrie numérique du divertissement

 

Au moment où dans la société du spectacle, l’industrie du divertissement a pris place importante dans l'économie mondialisée et où l’attention devient un enjeu économique, les enseignants, pour résister à la concurrence du divertissement sont sollicités pour en utiliser les ressorts.

 

Les études neurologiques mettent en relief la nocivité des écrans pour le développement de l’attention endogène (la capacité de concentration). L’écran attire l’attention, mais il n’exerce pas à la concentration. De mêmes, les études scientifiques mettent en lumière que l’image animée est moins efficace que l’image statique pour comprendre et mémoriser l’information.

 

Mais qu’à cela ne tienne, l’Education nationale de manière relativement a critique et en accord avec les lobby économiques du numérique, s’équipe et encourage l’utilisation des TNI et des serious game. Après tout, à l’heure où les jeux videos sont devenus la première industrie culturelle, on peut bien se bercer dans l’illusion de former intellectuellement les élèves grâce à ce type de matériel. Le problème, c’est que le jeux video est conçu pour faire agir dans la rapidité et c’est ce qui est la base de son caractère addictif de « jeu haschich » (Freinet) alors que le développement des opérations cognitive supérieures suppose le temps de la réflexivité. En revanche, le jeu video est certainement efficace pour capter l’attention et les occuper à défaut de former l'esprit critique des élèves. C'est certainement un bon instrument de la discipline scolaire : « du pain et des serious game ».

 

En réalité, l’enjeu de la maîtrise des nouvelles technologies consiste à acquérir suffisamment de compétences intellectuelles et d’autonomie pour résister à leur utilisation comme moyen de divertissement. Car on le sait bien la fracture numérique est de moins en moins entre ceux qui possèdent un accès à ces équipements et ceux qui n’y ont pas accès, mais elle devient de plus en plus la fracture entre ceux qui sont capables de les utiliser pour augmenter leurs connaissances et ceux qui les utilisent de manière aliénante.

 

 

Documents:

 

Dans la Silicon Walley, les pro de l’informatique paient très cher pour mettre leurs enfants dans des écoles sans ordinateur:

http://www.speechi.net/fr/index.php/2012/02/22/dans-la-silicon-valley-les-geeks-paient-tres-cher-pour-envoyer-leurs-enfants-dans-des-ecoles-sans-aucun-ordinateur-2/

 

Les études en neurosciences sur les effets des nouvelles technologies sur les apprentissages

http://www.canal-u.tv/video/cerimes/sankore_session_inserm_les_nouveaux_medias_et_le_developpement_cognitif_de_l_enfant.7986

 

VII- La transdisciplinarité à l’ère des savoirs interconnectés

 

A l’ère de la transmodernité, de la postmodernité interconnectée, le paradigme de la connaissance reste celui de la première post-modernité: celui de l’émiettement postemoderne et de l’intellectuel spécifique.

 

Dans le monde globalisé et interconnecté de la transmodernité, la production du savoir reste marquée par l’émiettement postmoderne. A l’exception par exemple des courants de l’histoire globale ou de l'histoire connectée, nombre de disciplines en sciences humaines restent rivées sur une approche très sectorielle marquée par la conception foucaldienne de l’intellectuel spécifique.

 

Il existe certes quelques objets qui sont appréhendés sous la forme de l’interdisciplinarité: ce n’est sans doute pas un hasard si parmi ces cas, on trouve les sciences cognitives et les sciences de l’information et de la communication.

 

On oppose par exemple aux approches globales de ne pas prendre en compte la spécialisation qu’impliquent les sciences modernes avec la complexification des savoirs qui font que l’on ne peut être spécialiste que d’un infime secteur d’une sous-discipline.

 

Mais cette objection peut être contournée non pas tant par la prétention des individus à maîtriser l’ensemble des savoirs, mais par le travail de plusieurs spécialistes de disciplines différentes à partir d’un paradigme commun. C’est ce que produit par exemple: le marxisme, les théories de la reconnaissance, ou encore de manière générique le post-structuralisme.

 

Il ne s’agit pas de prétendre retourner à un état pré-moderne ou antérieur à la postmodernité de l’état de la production scientifique, mais de produire des interprétations multiples de la réalité, différents mondes possibles. Il ne s’agit donc pas de revenir à la prétention de la réalisation d’un savoir total.

Mais comment situer la transdisciplinarité par rapport au technicisme ? En réalité, la transdisciplinarité est prise entre deux paradigmes : celui de l'holisme écologique et celui de réseau informatique, celui du réseau neuronal et celui du réseau des bytes.

 

La difficulté de la pensée technicienne, ce n'est pas qu'elle reprenne la pensée écologiste de l'interdépendance, mais qu'elle la reprenne de manière réductionniste. Le danger d'une transdisciplinarité mal comprise consiste dans la réduction de la pensée vivante à une pensée morte (comme il y a un travail vivant et un travail mort chez Marx), celle de la pensée abstraite qui n'est qu'une pensée du calcul (la pensée qui réduit le travail concret au travail abstrait par la valeur d'échange).

 

VIII- Des risques de dérive technicistes : du transhumanisme au transféminisme

 

Un danger guette certaines formes de féminisme et de mouvement trans-, c'est la fascination techniciste. Tout comme les revendications reconnaissance du métier de prostituée sont susceptibles de servir de cheval de Troie au capitalisme néolibéral dans sa transformation de la sexualité en travail marchand, les revendications autour de la PMA, de la GPA et des processus de transitions peuvent ouvrir la voie à l'idéologie techniciste au sein des mouvements féministes et trans-.

 

Les mouvements féministes et trans-, comme la critique capitaliste, dénaturalise les inégalités et les discriminations sociales. Celles-ci ne trouvent pas leur origine dans la nature, mais dans la société.

 

La remise en cause de l'opposition et hiérarchisation produit par la pensée straight (Monique Wittig) conduit à remettre en question les dyades : homme/femme, homme/animal, culture/nature, technique/nature....Le dualisme entre nature et culture, mais également entre technique et nature, peut être déconstruit comme participant d'un humanisme phallo-centré.

 

Néanmoins cette déconstruction peut conduire à produire une continuité entre les idéologies transhumanistes et certaines versions du féminisme, comme le féminisme cyborg de Dona Haraway.

 

On assiste ainsi dans certaines zones du transféminisme à une inflation de revendications pour l'accès aux drogues du pharmapornographique (Préciado) et aux technologies et aux chirurgies des prothèses sexuelles.

 

Or le danger de ces revendications peut se trouver dans une interrogation insuffisante des enjeux économiques du développement de ces techniques, des normes sur le corps qu'elles véhiculent (ex: vulvoplastie), des conséquences sur la santé qu'elles peuvent induire.

 

Il ne s'agit pas pour autant de retourner à une conception vivant à ressentialiser la nature humaine et la différence des sexes. Mais il s'agit davantage de se demander dans quelle mesure ces technologies sont réellement nécessaires à la construction des trans-identités ou au contraire dans quelle mesure elles peuvent être instrumentalisées au service du capitalisme néolibéral techniciste que défend le transhumanisme.

 

La question ne provient pas ici d'une différence ontologique entre le naturel et le construit, mais plutôt de la manière dont ce « naturel » est construit : en fonction de quels rapports sociaux ? De quelles idéologies ?

 

L'exemple du sexocide des sorcières et l'avènement de la médecine moderne en constitue un exemple. La médecine moderne, pratiquée par des hommes, s'est imposée en disqualifiant totalement la médecine traditionnelle reposant sur des plantes pratiquées par des femmes qualifiées de sorcières.

Sans se lancer dans une remise en cause totale de la médecine moderne, on peut néanmoins constater que dans la médecine traditionnelle par les plantes, issues de l'expérience pratique, tout n'était pas à rejeter comme relevant d'un obscurantisme irrationnel.

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Fungus key pro (vendredi, 24 juin 2016 19:07)

    70% of people will have athletes foot fungus a little while in their life.
    http://www.funguskeyproreview.com/

  • #2

    jillian michaels body revolution (vendredi, 02 novembre 2018 23:34)

    We all do need some fat. The problem is that many people carry too much fat with 30% or more. lean body hacks