Proudhon: la force, l'action et le travail

Le refus que manifeste Proudhon d'une connaissance qui repose sur l'absolu, le conduit à refuser de s'appuyer sur une physique substancielle.

Il part au contraire de l'hypothèse que la réalité est composée de forces et non d'une substance matérielle. La réalité est donc active et non statique. 

Ces forces lorsqu'elles caractérisent le vivant prennent le nom d'action.

Chez l'être humain, l'action prend le nom de travail. Le travail est donc une force physique au sens d'une énergie physique active. Cette force que constitue le travail est au principe des idées. C'est du travail physique que naîssent les productions intellectuelles. Proudhon refuse la division entre manuel et intellectuel qui lui apparait comme une division entre le corps et l'esprit. Le travail manuel ne renvoie pas aux besoins naturels, mais il constitue le fondement de la culture. C'est cette affirmation qui constitue la base de ce qu'on pourrait qualifier de matérialisme pragmatiste de Proudhon.

 

La notion de force est ensuite utilisée par Proudhon dans sa sociologie en particulier à travers la notion de "force collective". Celle-ci est une "résultante". Cela signifie que la force (de travail) de plusieurs individus n'est pas une simple somme, mais dépasse la somme des forces individuelles. En effet, cette force collective suppose une division technique et sociale du travail qui fait que chaque individu met en oeuvre des compétences différentes, mais complémentaires. Cette division sociale est source de solidarité sociale. 

 

La notion de force est en effet pour Proudhon à l'origine du droit et de la morale. Chaque force de travail désire être reconnue par les autres forces de travail. Ce désir mutuel de reconnaissance conduit à constituer dans l'esprit de chaque individu les notions de respect, de personne et de justice. Pour pouvoir être reconnu comme digne de respect, chaque individu doit admettre que les autres sont également dignes de respect. Il n'y a que de cette manière que son propre désir peut être satisfait. La reconnaissance implique pour Proudhon une égale dignité.

 

Ce désir de reconnaissance ne se situe pas seulement au niveau des relations interindividuelles. En effet, lorsque se forme l'inégalité sociale, celle-ci est une inégalité économique qui constitue une inégallité morale. L'injustice sociale est la traduction d'une rupture d'équilibre au sein de la société. 

 

Le mouvement ouvrier apparait pour Proudhon comme un mouvement pour une justice économique, mais également un mouvement qui désire une égale reconnaissance, qui lutte pour sa dignité bafouée.

 

La justice sociale pour être rétablie suppose pour Proudhon la reconstitution d'un équilibre entre les forces sociales qui implique un équilibre entre l'autorité et la liberté. Cela se traduit sur le plan politique par le fédéralisme libertaire et sur le plan économique par l'économie mutueliste.

 

Néanmoins, si Proudhon considère que le droit trouve son origine dans la force, il ne va pas jusqu'à prôner l'usage de la force dans la transformation sociale. 

A l'inverse, l'usage de la force comme moyen de transformation sociale est prôné par les syndicalistes d'action directe. L'action directe est l'expression de la force ouvrière. Néanmoins, les syndicalistes révolutionnaires n'identifient pas la force et la violence. L'action directe peut être violente ou non-violente. 

Ainsi, défendent-ils la thèse que la grève peut être productrice de droit. Cette prise de position remet en cause toute une tradition philosophique qui de Rousseau à Habermas aujourd'hui, en passant par Kant, distingue fortement la force et le droit. 

 

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