Économie domestique et coopérative: un déplacement de classes ?


 

Sur fond d’un processus d’acculturation des classes populaires, un certain nombre de pratiques qui leur étaient propres se trouvent réinvesties par des individus appartenant aux classes moyennes intellectuelles.

 

Un mouvement d’acculturation des classes populaires

 

Il est possible de constater qu’un certain nombre d’engagements et de pratiques qui étaient issues du mouvement ouvrier et plus généralement des classes populaires ont été abandonnés du fait de transformation historiques et sociales.

 

Parmi ces pratiques, il est possible de citer l’économie domestique. Les classes populaires, en milieu rural ou urbain, appuyaient la reproduction de leur existence sur un ensemble de savoir-faire et de productions qui n’étaient pas liés à l’économie marchande. Elles prenaient leur source dans des activités de jardinage ou d’élevage domestique avec transformation des produits à domicile.

C’est le cas également du mouvement coopératif ouvrier, par exemple avec les coopératives de consommation, qui constituaient des formes de systèmes de solidarité économique collective, qui permettaient d'accéder à moindre coût à un ensemble de biens qui s’appuyaient également sur des formes alternatives de production, avec les coopératives ouvrières de production.

Enfin, un autre exemple porte sur le fait que certains engagement militants, par exemple dans le mouvement anarchiste ou syndical, étaient des engagements principalement liés aux classes ouvrières.

 

Après guerre, mais surtout dans les années 1960 et 1970, on assiste à des transformations profondes dans les modes de production, de consommation et donc dans les modes de vie des classes populaires. Un premier phénomène, qui s’accentue après guerre, est l’exode rural, qui conduit une population issue des milieux populaires à venir s’installer en ville pour travailler. Cette situation est le résultat d’une politique agricole qui parie sur la mécanisation et l’augmentation de la productivité pour assurer l’abondance alimentaire. L’urbanisation implique alors des transformations importantes dans les modes de vie, en particulier lors de l’installation dans de l’habitat collectif.

 

Une seconde transformation structurelle réside dans l’avènement de la société de consommation, avec le développement de la grande distribution, qui semble rendre caduques les formes de solidarité économique développées depuis le XIXe s. par le mouvement ouvrier. Le supermarché remplace les centrales d’achat et autres formes de coopératives de consommation.

 

Enfin, durant les années 1970, les options de modernisation de l’économie sous la présidence de Giscard d’Estaing favorisent une désindustrialisation de la France et une tertiarisation de l’économie. Face à la crise économique, le pari est fait que l’économie industrielle n’est plus assez compétitive et les grands bastions industriels sont ainsi démantelés. Cette option constitue sans doute un élément de l’affaiblissement du mouvement syndical ouvrier.

 

Un renouveau des pratiques d’économie domestique et d’économie solidaire dans les classes moyennes intellectuelles 

 

Sur fond de crise économie et écologique, il est possible de constater un effet de mode revalorisant les pratiques liées à l’économie domestique (jardinage, fait maison...) ou des formes d’économie solidaires (SEL, AMAP...).

 

La particularité sociologique de ce mouvement c’est qu’il est particulièrement le fait de personnes qui occupent des professions intellectuelles. C’est chez des individus cadres dans des professions intellectuelles ou culturelles que ces pratiques se trouvent valorisées. Ce sont des personnes dotées certes d’un capital culturel élevé, mais aussi d’un capital économique comparativement moyen ou faible (du fait par exemple d’une situation professionnelle précaire). Le profil moyen correspond en effet aux enseignants et cadres moyens de la fonction publique aux travailleurs sociaux ou encore aux intermittents du spectacle.

 

Ainsi, il est intéressant de constater que des engagements et des pratiques que l’on qualifie parfois de “bobo” trouvent pour partie leur inspiration originale dans la valorisation de pratiques traditionnelles qui étaient celles des classes populaires avant que celles-ci ne subissent une forme d’acculturation liées à l’urbanisation, l’avènement de la société de consommation et la tertiarisation de l’économie.  

 

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