Lu: Sarah Abdelnour, Les nouveaux prolétaires


Textuel, 2012, p. 140, 9, 90 euros

 

 

            L’ouvrage de Sarah Abdelnour propose d’interroger la pertinence actuelle de la catégorie marxiste de “prolétaire”. Face aux évolutions de la structuration sociale qu’a connues notre société depuis les “Trente glorieuses”, la notion de “prolétaire” est-elle encore pertinente ? Dans le contexte d’une disparition de la conscience de soi de la classe ouvrière, la notion de “prolétaire” peut-elle être encore opérante ? L’ouvrage se présente ainsi comme une introduction à l’étude des mutations des groupes sociaux dans les sociétés contemporaines et de la sociologie des classes sociales. L’expression “nouveaux prolétaires” interroge en particulier ces mutations au regard de la notion de précarité. Les travailleurs précaires peuvent-ils en effet constituer un nouveau prolétariat, à la fois en tant que classe en soi objective, que classe pour soi, porteuse d’un rôle historique émancipateur ?

 

La première partie de l’ouvrage étudie l’émergence du salariat et les relations que cette catégorie peut entretenir avec celle de précarité. Afin de mener à bien cette analyse, l’auteure s’appuie en particulier sur les travaux de Max Weber et de Robert Castel. L’étude s’attache également à situer la place des femmes et des immigrés au sein du salariat en rappelant les oppressions spécifiques dont ces deux groupes sont victimes.

            La deuxième partie de l’ouvrage s’attache à tenter d’identifier les catégories sociales qui pourraient constituer aujourd’hui ce nouveau prolétariat. L’auteure étudie tout d’abord la place de la classe ouvrière dans la société contemporaine. Sont en particulier discutées à cette occasion les analyses post-marxistes de Negri et de Gorz. La classe ouvrière serait-elle en train de disparaître dans une société qui serait devenue post-industrielle ? Plus spécifiquement, sont analysées les relations entre le groupe des ouvriers et celui, plus fortement féminisé, des employés. La catégorie de prolétariat est également passée au crible d’autres évolutions sociales qui semblent la mettre à mal comme le chômage de masse. En particulier, l’auteur s’attache à analyser les relations entre chômage, inactivité et emploi. Enfin, elle revient sur la catégorie de précarité en en analysant la complexité et les controverses théoriques de délimitation auxquelles elle donne lieu. Elle tente ainsi la définition suivante de cette notion: “ comme [désignant] les dominés de la société capitaliste, dont l’emploi et les protections qui l’accompagnent sont discontinus et incertains, ce qui entame leur situation matérielle ainsi que leur capacité à se projeter dans l’avenir, et ce tant au niveau professionnel que personnel” (p.79)

La dernière partie de l’ouvrage se présente comme une analyse générale de la précarité dans les sociétés contemporaines. La partie commence par rappeler la controverse entre Serge Paugam et Robert Castel au sujet de la pertinence de la notion d’exclusion pour penser l’inégalité sociale. L’auteure analyse les justifications par les tenants du capitalisme de la précarité. Elle étudie également la place de l’Etat dans son rapport à la précarité à la fois comme employeur et instance de redistribution économique. La dernière étape de l’ouvrage est plus spécifiquement consacrée à s’interroger sur le caractère de classe sociale au sens marxiste du terme que pourrait former l’ensemble des exploités et des opprimés au sein du capitalisme actuel. Ce qui est en particulier interrogé serait la capacité de l’ensemble de ces groupes à se constituer en classe pour soi. L’auteure analyse ici la situation actuelle du syndicalisme et des conflits au travail, mais aussi ce que l’on a pu qualifier de mobilisations improbables émanant de “désaffiliés” comme les luttes de chômeurs.

Enfin, en conclusion, elle plaide pour la pertinence de cette notion de prolétariat qui permet entre autres de réintroduire “un regard plus agonistique sur la société” et “d’insister sur la centralité persistante du travail”.

 

L’ouvrage de Sarah Abdelnour, paru dans la collection Petite encyclopédie critique, se présente comme une utile synthèse actualisée tant au point de vue du contenu empirique que des controverses théoriques concernant les travaux à l’intersection de la sociologie des catégories sociales et de la sociologie du travail pour ceux qui désirent s’introduire à cette question ou réactualiser leurs connaissances.

 

 

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