Petite introduction à la science politique

Bibliothèque de Wissous, le 7 mai 2011


L’objet de mon intervention va être d’effectuer une introduction à la science politique en partant de la définition de la notion de politique, en passant par l’histoire de la naissance de la démocratie représentative, l’histoire et l’actualité du clivage droite/gauche, et pour finir par les principales familles, idéologies politiques et partis politiques en France.


 

- La notion de politique :

 

 

Mais tout d’abord que désigne la notion de politique?

 

 

Etymologiquement, cette notion vient d’un terme grec « polis » qui veut dire la cité.Donc la politique, c’est ce qui concerne les affaires de la cité par opposition aux affaires privées. Ce domaine des affaires publiques (la res-publica), c’est ce qu’on appelle le politique.

Le politique serait donc le domaine où sont traitées les affaires qui concernent tous les citoyens, tandis que la politique, dans une première acception, aurait pour objet de déterminer et d’agir selon l’intérêt général. De fait, pour un philosophe grec comme Platon, la politique a donc pour fonction de déterminer la juste organisation de la cité.

 

 

Néanmoins, nous pouvons nous dire qu’une telle conception de la politique semble quelque peu idéale. Est-ce qu’en réalité les êtres humains ne sont pas toujours mus par des intérêts particuliers et incapables de s’élever à l’intérêt général ?

Ce soupçon est déjà présent chez les Grecs. On le trouve dans les propos de certains interlocuteurs des dialogues de Platon, les sophistes. C’est le cas par exemple de Thrasymaque qui apparaît dans La République.

Mais le philosophe politique qui a le plus largement soutenu cette thèse, c’est Machiavel dans Le Prince. La politique n’aurait qu’une finalité : conquérir et conserver le pouvoir.

 

 

Problème : Il y a donc une tension au sein de la politique : celle-ci est-elle une action qui a pour fonction de poursuivre l’intérêt général ou au contraire de permettre à un petit groupe d’individus de s’emparer du pouvoir ?

Cette tension entre intérêt et justice est insurmontable. Pourquoi ? Parce que l’on doit partir des êtres humains tels qu’ils sont, c’est-à-dire mus par des intérêts. Mais en même temps, nous espérons tous que la politique soit à même de rendre la société plus juste.

De sorte que l’on pourrait se dire que l’action politique consiste à se demander comment partant des intérêts et des passions humaines, de la réalité telle qu’elle est, il est possible d’améliorer l’organisation et le fonctionnement de la société.

 

 

Cette tension au sein de l’action politique, on la retrouve également dans les disciplines chargées d’étudier le politique, à savoir les « sciences politiques ». Les sciences politiques ont pour objet d’étude le et la politique. Ainsi le droit public et la philosophie politique étudient le politique, c’est-à-dire le domaine politique en tant qu’il a pour fonction de déterminer ce qui « devrait être ». Il s’agit d’une approche normative.

L’histoire et la sociologie politique s’intéressent quant à elles à la politique telle qu’elle a eu lieu ou telle qu’elle a lieu. Il s’agit d’une approche réaliste.

Autre différence entre ces deux manières d’appréhender la politique, c’est que la philosophie cherche à établir des règles politiques universelles, c’est-à-dire valable en tout lieu et à toute époque. Par exemple, les Déclarations des droits de l’homme et du citoyen sont ce type de texte qui établit des principes que l’on pense universels.

La sociologie et l’histoire politiques sont relativistes: il n’y aurait pas de règles, ni même de domaine politique universel. Ce que l’on considère comme politique n’est pas déterminé une fois pour toutes. Il n’y a pas des questions qui seraient politiques en soi et d’autres qui ne le seraient pas. Il n’y a pas une limite entre privé et public qui serait intangible. Un problème peut devenir politique à un moment donné : les sociologues appellent cela « la politisation ». Par exemple, une question comme l’avortement est devenu un problème politique dans les années 1970 : il y a eu des clivages politiques, des oppositions, par exemple entre droite et gauche, sur ce qu’il fallait faire par rapport à l’avortement. A l’inverse, une question peut se « dépolitiser », c’est-à-dire qu’elle ne va plus constituer un problème politique. Ainsi, le droit pour les femmes d’exercer les mêmes professions que les hommes ne constitue plus un problème politique alors qu’il avait pu être une revendication politique.


 

- De la politique à la démocratie représentative:

 

J’ai dit que la notion de politique venait du grec, mais il ne faudrait pas croire que la politique naît en Grèce. En réalité, comme l’a écrit Aristote, « l’homme est un animal politique ». Cela ne signifie pas seulement que l’homme vit en société car il y a plein d’autres animaux qui sont des êtres sociaux : les abeilles par exemple. Pour autant, ces animaux n’ont pas selon Aristote de « polis ». Il y a politique pour Aristote lorsqu’un groupe est capable d’utiliser la parole pour régler ses conflits, pour trancher les différends sur ce qu’est le juste et l’injuste, l’utile et le nuisible.

De fait, il n’y a aucun être humain qui vit à l’état de nature : tous les êtres humains vivent à l’état de société, sont des êtres sociaux. Mais plus encore, toutes les sociétés humaines, même les sociétés de chasseurs/cueilleurs par exemple, ont une organisation politique en ce sens, même si elles n’ont pas d’Etat. Il ne faut donc pas confondre la société, la politique et l’Etat. Ainsi dans nos sociétés, il y a de la politique en dehors de l’activité de l’Etat. On appelle Etat une institution politique particulière, organisée de manière centralisée et hiérarchisée qui administre la société. Mais en dehors de l’Etat, il existe également une société civile qui peut développer une action politique. La société civile, ce sont des associations, des mouvements sociaux ou même les syndicats.

 

Parmi les formes d’organisation politique, les philosophes (d’Aristote à Montesquieu) distinguaient traditionnellement trois formes de régime selon le nombre de personnes qui participaient à l’exercice du pouvoir : une seule personne gouverne (monarchie, tyrannie…), un petit groupe gouverne (aristocratie, oligarchie…), tous participent au gouvernement de manière égalitaire (démocratie).

 

La démocratie naît en Grèce à Athènes au Ve siècle avant JC. La démocratie athénienne est une démocratie directe. Cela signifie que le pouvoir législatif est détenu par l’ensemble du peuple assemblé. Il y a des formes de délégation de pouvoir, mais il ne s’agit pas de représentants : en théorie, les stratèges qui sont élus doivent appliquer les décisions de l’Ecclesia(l’Assemblée du peuple) et gérer les affaires courantes. Mais en réalité, ils ont beaucoup plus de pouvoir que cela. Par ailleurs, ceux qui ont des charges publiques sont bien souvent choisis par tirage au sort parmi une liste de volontaire. L’élection qui suppose une sélection est plutôt un principe aristocratique que démocratique. Enfin la démocratie grecque repose sur la rotation des charges : on ne peut pas exercer plus d’un certain nombre de fois un mandat. Outre le fait que la démocratie grecque exclut un certain nombre de personnes (femmes, esclaves, étrangers) de la citoyenneté, la participation est faible (environ 10%), sauf lorsqu’il s’agit de décision importantes comme le fait de voter la guerre. Pour essayer de palier ce problème, sans y parvenir, a été mis en place un système d’indemnisation des citoyens lorsqu’ils perdent une journée de travail pour se rendre à l’Assemblée.

 

A l’époque moderne, lorsqu’ont eu lieu les révolutions américaines et françaises, et que se posait la question d’abolir la monarchie, les juristes de cette époque discutèrent de la forme de régime qu’il fallait adopter. Au XVIIIe siècle, la démocratie désigne uniquement la démocratie directe. Or les constitutionalistes vont l’écarter pour plusieurs raisons : la démocratie directe serait un régime trop instable qui pourrait facilement dégénérer en tyrannie ; la démocratie directe qui repose sur un mandat impératif (c’est-à-dire où le délégué ne peut appliquer que ce pour quoi il a été élu par ses mandants) est un système qui risque trop facilement de bloquer les institutions ; la plupart des citoyens sont trop occupés par leur travail pour participer activement aux prises de décision ; les citoyens ne sont dans leurs ensemble pas assez compétents pour décider des affaires publics.

A noter cependant qu’en France, Rousseau est partisan de la démocratie directe et que sa théorie va inspirer la Constitution de la Première République qui ne fut en réalité jamais appliquée.

Le modèle qui retient en définitive l’attention est celui du système représentatif inspiré de la République romaine. Un penseur comme l’Abbé Sieyès estime qu’il faudrait distinguer entre deux types de citoyen. Les citoyens passifs seraient ceux qui ont seulement des droits civils : ils n’ont pas de droits politiques, mais l’action politique doit garantir le respect de leurs droits consacrés dans la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens. Les citoyens actifs sont ceux qui ont des droits politiques : ils ont droit d’élire des représentants et d’être élus. Ce droit leur vient du fait qu’ils sont en capacité de payer un impôt, le cens. On parle ainsi de suffrage censitaire où seule une partie des citoyens ont le droit de vote en fonction de leur niveau de richesse personnelle. Sieyès pense la société et le droit de participer à la décision politique comme le droit pour des actionnaires de participer aux décisions dans une entreprise. D’une certaine manière, un tel système consacre le pouvoir de la bourgeoisie contre le système héréditaire de l’aristocratie d’Ancien Régime et contre les classes populaires dont la démocratie directe est réputée consacrer le pouvoir.

 

Il faut attendre 1848 pour que la démocratie représentative se mette en place de manière stable en France avec l’instauration du suffrage universel. Le régime dans lequel nous vivons n’est donc pas une démocratie pure, puisque celle-ci désigne la démocratie directe, mais un mixte entre démocratie et système représentatif (c’est-à-dire une forme d’aristocratie). Ce système retient de la démocratie le fait que tous les citoyens participent directement au choix des élus politiques ou peuvent même par le biais du référendum prendre directement des décisions (ce qui n’apparaît réellement en France qu’à partir de la Constitution de la Ve République). Il retient d’un système aristocratique ou oligarchique, le fait que seul un petit groupe exerce le pouvoir. Celui-ci est sélectionné par le biais des élections. Il n’est pas tenu par un mandat impératif, mais représentatif : il n’est pas contraint d’appliquer le programme pour lequel il a été élu. La Constitution de la Vème République interdit d’ailleurs le mandat impératif qui est considéré comme attachant les élus aux intérêts particuliers de leurs électeurs. C’est pourquoi par exemple les députés sont censés être les représentants de la souveraineté populaire dans son ensemble.


 

Naissance et nature du clivage droite/gauche :

 

L’usage des notions de droite/gauche en politique apparaît en France pendant la Révolution. En 1789, les députés de l’Assemblée Constituante discutent du droit de veto du Roi : se disposent à droite de l’hémicycle, ceux qui sont favorable au pouvoir royal et à gauche ceux qui sont opposés à ce droit de veto.

Néanmoins les historiens s’accordent généralement pour considérer que durant le XIXe siècle, cette opposition n’est pas utilisée pour structurer la vie politique française. Ce ne serait qu’au moment de l’Affaire Dreyfus que l’on prendrait l’habitude de désigner sous le nom de gauche ceux qui sont favorable à la révision du premier procès de Dreyfus en 1894.

Si les notions de droite et de gauche n’existent pas dans tous les pays, ce clivage a essaimé depuis la France dans les autres pays d’Europe, en Amérique latine, etc.

 

Néanmoins malgré cette adoption générale du clivage droite/gauche, malgré le fait que 98% des personnes interrogées lors d’une étude en France datée de 1995 acceptent de se positionner sur l’axe droite/gauche, le clivage droite/gauche désigne-t-il un contenu fixe en soi ou est-il uniquement une forme de structuration spatiale ?

 

L’analyse de la réalité de ce clivage change selon l’approche disciplinaire adoptée:


- Ainsi les philosophes essaient de produire une distinction conceptuelle entre droite et gauche qui ait une portée universelle. Par exemple, le philosophe italien Noberto Bobbio explique dans son essai intitulé Droite et gaucheque la gauche renverrait à la mise en avant du principe d’égalité tandis que la droite insisterait sur la diversité. Il s’oppose à une autre thèse que l’on entend fréquemment qui serait celle selon laquelle la gauche valoriserait l’égalité et la droite la liberté. Sa thèse, c’est qu’aussi bien à droite qu’à gauche, il existe des courants qui valorisent la liberté et des courants autoritaires.

 

- Les historiens insistent pour leur part sur les filiations entre des courants politiques, des idées ou des partis. Ainsi ils analysent les permanences, mais également les évolutions au sein des idéologies, des mouvements ou des organisations politiques.

 

- Les sociologues peuvent adopter pour leur part une approche relativiste sur ces questions, estimant que le clivage droite/gauche est uniquement une division spatiale du champ politique. Ce n’est pas le contenu idéologique d’un mouvement ou d’un parti qui va le désigner comme de droite ou de gauche, mais uniquement sa place relative par rapport aux autres courants. Ainsi, cela expliquerait qu’un parti puisse être considéré comme plus ou moins à gauche, voire même de droite selon les époques. Par exemple, les radicaux socialistes ont évolué de la gauche radicale vers le centre dans leur positionnement dans l’espace politique ; et en 1971, le Parti radical connaît une scission entre le Mouvement des radicaux de gauche et le Parti radical valdoisien qui se rattache au centre droit.

Les sociologues étudient également les valeurs auxquels les français adhèrent selon qu’ils se situent à droite ou à gauche. Les études menées à notre époque tendent à établir un triple clivage : pour l’intervention publique dans l’économie/ attaché à la propriété privée ; anticléricalisme / attaché à la pratique religieuse catholique ; attaché à la liberté des mœurs/ conservateur en matière de mœurs. Néanmoins, il faut remarquer que seule une minorité de personnes est cohérente sur les trois clivages.

Enfin, la sociologie montre également comment l’attachement à la droite ou à la gauche peut être lié à des appartenances sociales : par exemple les catholiques pratiquants et les petits entrepreneurs se situent majoritairement à droite, les personnes exerçant des professions intellectuelles supérieures se situent quant à elles plutôt à gauche.


 

Familles politiques, idéologies politiques et partis politiques en France depuis le XIX e siècle:

 

Des historiens politiques ont essayé de déterminer des grandes familles politiques en France. C’est ce travail qu’ont effectué René Raymond pour la droite et Michel Winock pour la gauche.


 

- Les droites en France :

 

René Raymond dans son ouvrage Les droites en France.

Il y aurait selon lui trois grandes familles politiques au sein de la droite française qui prendrait leurs racines dans le XIXe siècle.


 

- Les légitimistes : Les premiers sont les légitimistes. Il s’agit d’une famille politique qui prendrait ses racines dans la fidélité à l’ancien régime. Il s’agit d’une droite plutôt attachée à des valeurs conservatrices, inspirées par une lecture traditionaliste des dogmes de l’Eglise catholique.

Cette famille politique pourrait se retrouver actuellement dans les mouvements politiques constitués autour de Christine Boutin (présidente du Parti-Chrétien démocrate) ou de Philippe De Villiers (président du Mouvement pour la France).


 

- Les orléanistes : Ils prendraient leur source dans une version modernisée de la monarchie incarnée au XIXe par la Monarchie de Juillet et Louis-Philippe, inspirée du modèle anglais. Il s’agit d’une droite libérale.

 

Les libéralismes politiques et économiques désignent un ensemble d’idéologies assez diverses mais dont on peut essayer de dégager quelques traits généraux. L’un des principaux auteurs qui contribue à initier le libéralisme politique est le philosophe John Locke au XVIIe s. et pour le libéralisme économique, on citer Adam Smith au XVIIIe s. En France, on peut retenir les figures de Benjamin Constant et d’Alexis de Tocqueville au XIXe s.

Le libéralisme politique est une idéologie qui met à la base de son analyse de la société l’individu. Dans une telle conception, l’Etat et les institutions politiques ont avant tout pour fonction de garantir les libertés individuelles. Chaque individu a le droit de poursuivre son bonheur personnel de la manière dont il le désire. Les individus y sont vus comme libres et responsables de leurs actes, lesquels doivent être évalués selon leur mérite personnel.

Parmi les courants se réclamant explicitement de cette filiation, on peut citer l’ancien parti d’Alain Madelin, Démocratie Libérale.


 

- Les bonapartistes : Cette famille politique prend son origine dans le bonapartisme qui met en avant le pouvoir fort d’un homme charismatique.

 

Le gaullisme, tel que l’a incarné le Général De Gaulle, a pu être analysé comme se situant dans cette tradition par certains de ses aspects. On peut citer par exemple son analyse selon laquelle la démocratie pour se maintenir a besoin d’un pouvoir exécutif fort situé au-dessus des partis et sa défiance vis-à-vis du parlementarisme. Il considère également que le pouvoir du chef de l’Etat doit s’appuyer sur la légitimité issue du suffrage universel et n’hésite pas à faire un usage plébiscitaire du référendum. C’est à dire que le référendum portant sur une question constitutionnelle se double d’un vote légitimant le pouvoir du président qui annonce sa démission en cas de défaite.

 

L’UMP (Union pour un mouvement populaire) : Il s’agit d’un parti de formation récente, constitué en 2002 à partir du RPR (Rassemblement pour la République) issu du gaullisme et de l’UDF (Union pour la démocratie française) – parti de centre droit. Il prend dans un premier temps le nom d’Union pour une majorité présidentielle. Cette formation rassemble des courants issus de l’ensemble des familles politiques de la droite française : libéraux, souverainistes, chrétiens démocrates…


 

 

- Une interrogation: la place du fascisme

 

Les spécialistes ne sont pas tous d’accord sur la nature du fascisme. Pour René Raymond, il ne s’agit pas d’un courant de la droite française. Pour d’autres auteurs, le fascisme prend clairement sa source dans l’extrême droite de manière générale. D’autres encore, considèrent que le fascisme désigne des courants qui entendent dépasser le clivage droite/gauche en s’appuyant sur le nationalisme et des éléments économiquement socialistes.

Enfin, pour d’autres, le fascisme ne peut s’analyser uniquement comme un courant d’idées, mais se caractérise avant tout par le type de mouvement de masse qu’il met en place.


 

Le Front national : Il s’agit d’un parti fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen. Dans un premier temps tourné vers l’anti-communisme, avec la crise économique, il axe dans les années 1980 ses thématiques sur un discours xénophobe qui fait des immigrés les responsables du chômage des « Français ». A partir des années 1990, il appuie plus nettement sa rhétorique sur un lien entre immigration et insécurité. (Pour une analyse plus détaillée : Irène Pereira, « Le Front national en mutation », Le courrier – quotidien suisse- , 18/02/11 -http://www.lecourrier.ch)


 

De manière générale, il est donc possible de constater que ces trois familles sont présentes à des degrés divers au sein même de l’UMP. Un même courant politique ou un même homme politique peut se rattacher à des traditions diverses. Il peut par exemple être économiquement libéral et conservateur du point de vue des mœurs.

La nature de l’extrême droite en France, et en particulier du Front national, pose question : s’agit-il d’un parti qui se situe dans la continuité de la droite bonapartiste ou se rattache-t-il plutôt au fascisme ?


 

- Les gauches en France :

 

Michel Winock dans La gauche en Francea effectué le même travail que René Raymond. Il distingue quatre familles au sein de la gauche française.


 

- La première est la gauche républicaine.

 

Ce courant de la gauche se situe dans une tradition universaliste des Lumières et des droits de l’homme et de la lutte pour l’établissement en France de la République et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

 

Le Parti Radical-socialiste, fondé officiellement en 1901, a, durant la IIIe et la IVe république, incarné plus particulièrement ce courant de la gauche. Il se rattachait aux cinq valeurs suivantes : laïcité, solidarité, humanisme, tolérance et universalisme. Son importance au sein de l’échiquier politique français a nettement décliné sous la Ve république.

Le parti radical a été marqué par la pensée de l’un de ses leaders, Léon Bourgeois. Celui-ci est le théoricien du solidarisme. Il s’agit d’une conception qui consiste à considérer que l’être humain n’est jamais un individu isolé dont le mérite de ses actions ne dépendrait que de lui. Durant son enfance, il a contracté une dette à l’égard de la société dans son ensemble. Devenu adulte, il est normal, selon le solidarisme, qu’en cas de réussite économique, il reverse une partie de ses gains à la société. Les radicaux ont ainsi défendus la mise en place de l’impôt progressif ou la première loi sur les retraites en 1910.


 

Parti radical de gauche : Cette formation est issue de la scission en 1971 du Parti radical. Ces dernières années, il a été représenté par la figure de Christiane Taubir, qui s’est illustrée en obtenant que la traite négrière et l’esclavage des noirs soient reconnus comme un crime contre l’humanité.


 

Les trois autres familles de la gauche distinguées par Michel Winock se rattachent au socialisme :


 

Le terme de socialisme apparaît en France, dans les années 1830, sous la plume de Pierre Leroux. Cette notion s’oppose pour lui à celle d’individualisme. Il les oppose pour les critiquer tous les deux : le socialisme au sens strict qui est le droit absolu de la société sur l’individu, et à l’individualisme outrancier qui est une liberté individuelle sans limite.

 

Un second penseur socialiste français, qui fut cette fois à l’origine d’un courant politique spécifique, l’anarchisme, est Pierre-Joseph Proudhon. Celui-ci est à la fois un partisan d’une forme de socialisme mutualiste et un critique de l’Etat. Il appelle sa théorie politique : « anarchie ».

 

Karl Marx, penseur d’origine allemande, est aussi le théoricien d’une certaine forme de socialisme. Mais à la différence des deux auteurs précédents son socialisme est communiste.

 

Le socialisme et le communisme doivent être distingués. En effet, le communisme est une conception qui existe depuis l’Antiquité : par exemple dans La Républiquede Platon, les gardiens de la cité vivent en pratiquant un communisme des biens et des femmes.

Le socialisme apparaît quant à lui au XIXe siècle, il est caractéristique d’une société marquée par la lutte des classes et l’apparition du mouvement ouvrier.

Leroux et Proudhon sont opposés au communisme qu’ils considèrent comme liberticide. Proudhon par exemple pense, en se basant sur le cas des ordres monastiques, que l’organisation communiste suppose une organisation autoritaire. Néanmoins par la suite, d’autres anarchistes, tel Kropotkine, vont estimer qu’une société peut être à la fois communiste et libertaire (cette dernière notion est synonyme à l’origine d’anarchiste).

 

Le socialisme est un courant qui comprend donc divers conceptions. On peut dire que de manière générale il désigne une position qui analyse la société comme divisée en classes sociales aux intérêts opposés dans laquelle les classes capitalistes exploitent les classes ouvrières. Le socialisme regroupe des courants politiques qui prônent une réorganisation de la société et qui remettent en cause l’exploitation de l’homme par l’homme. Cela passe le plus souvent par l’abolition de la propriété privée des moyens de production et leur collectivisation.

 

Michel Winock distingue ensuite deux familles politiques issues du socialisme marxiste qui se constituent de manière nettement séparées en 1920 au Congrès de Tours :


 

- Le socialisme :

Au sein de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière) restent les socialistes qui ne veulent pas adhérer à la Troisième Internationale bolchevique. Cette organisation socialiste va tendre progressivement à incarner un socialisme démocratique et réformiste.


 

Le Parti socialiste :La SFIO devient en 1969 le Parti socialiste français. Sous la Ve République, le Parti socialiste français arrive au pouvoir en 1981. Avec le tournant de rigueur de 1983, il abandonne sa tentative de mettre en place le programme commun de la gauche, adopté en 1972, qui prônait en particulier une nationalisation d’une partie de l’économie. Le Parti socialiste est divisé en plusieurs tendances : certaines se rapprochent du social-libéralisme (tentative d’effectuer une fusion entre la tradition socialiste et libérale), d’autres entendent rester davantage fidèles à une tradition républicaine et socialiste. La première option pourrait être incarnée par Dominique Strauss-Khan et la seconde par Henri Emmanuelli.


 

Le Parti de gauche :Il s’est constitué en 2009 à l’issue d’une scission de l’aile gauche du PS autour de la figure de Jean-Luc Mélanchon. Le Parti de gauche entend s’inscrire dans la filiation de Jean Jaurès, perçue comme une synthèse entre une tradition socialiste réformiste et une tradition républicaine.


 

- Le communisme :

Lors du congrès de Tours, une partie des militants décident d’adhérer à la Troisième internationale et leur parti prend un an plus tard le nom de Parti communiste (qui devient Parti communiste français en 1943). A la différence du précédent courant, le Parti communiste français se présente comme un parti révolutionnaire.


 

Le Parti Communiste français :Premier parti en nombre d’électeurs après la seconde Guerre Mondiale, il perd une grande partie de son électorat à partir des années 1970. Son alliance avec le Parti socialiste ne freine pas son érosion. Avec la chute du mur de Berlin en 1989, il a été contraint de procéder à une mutation qui l’a conduit à se délester d’une partie de ses références les plus directes au bolchevisme et au marxisme, comme la notion de « lutte des classes ». Aujourd’hui la stratégie du Parti communiste consiste en une alliance, au sein d’un Front de gauche, à la gauche du Parti socialiste, avec le Parti de gauche.


 

- L’ultra-gauche :

 

Michel Winock distingue enfin un quatrième courant qu’il nomme ultra-gauche ou gauchisme. Au sens strict, cette notion désigne selon Lénine les courants politiques qui entendent se situer à gauche du Parti bolchevique. Michel Winock utilise cette notion dans un sens large pour désigner l’ensemble des courants qui se positionnent à gauche du Parti Communiste.


 

On peut distinguer trois courants principaux :


 

-Les organisations trotskistes :il s’agit comme le Parti Communiste d’organisations qui ont pour référence commune le léninisme. Mais le trotskistes s’opposaient au stalinisme dans lequel s’est reconnu durant une période le Parti communiste français.

Trois organisations représentaient principalement le trotskisme en France ces dernières années : Lutte ouvrière, le Parti des travailleurs (devenu après 2007, le Parti ouvrier indépendant), la Ligue communiste révolutionnaire (devenu après 2007, le Nouveau Parti anti-capitaliste et qui ne se réfère plus à strictement parler au trotskisme).

 

Les organisations issues du trotskisme en France étaient principalement au nombre de trois :


 

La Ligue communiste révolutionnaire (LCR), devenue depuis le Nouveau parti anti-capitaliste (NPA) : Cette dernière organisation, fondée en 2009, à la différence de la première, ne s’inscrit plus explicitement dans la référence trotskiste qu’elle entend dépasser en rassemblant l’ensemble des anti-capitalistes.


 

Lutte ouvrière : est une organisation qui entend s’inscrire clairement dans la référence au trotskisme et au bolchevisme.


 

Parti ouvrier indépendant(POI, ex-Parti des travailleurs) : Cette organisation mêle entre autres des références issues de la tradition trotskiste et de la tradition républicaine provenant du mouvement des libres penseurs rationalistes et francs-maçons.


 

- Les anarchistes: Ils furent particulièrement influents en France durant la Belle Epoque (1880-1914), au sein du syndicalisme et de ce que l’on a appelé le syndicalisme révolutionnaire qui prônait la révolution par la grève générale.


 

- L’ultra-gauche, au sens strict :il s’agit d’un ensemble de groupuscules qui se réclament d’un socialisme révolutionnaire marxiste, mais non-léniniste. Ex : les situationnistes.

 

Dans mon ouvrage, Les Grammaires de la contestation(La Découverte, 2010), j’ai proposé une analyse de la gauche radicale actuelle, c’est à dire se situant à gauche du Parti socialiste, que je ne détaillerai pas ici, mais qui diffère sensiblement de celle proposée par Michel Winock.

 

Mais dans cet espace politique que dessine le clivage droite/gauche à partir de l’histoire de ces familles politiques, comment situer alors l’écologie politique et le centrisme ?


 

- L’écologie politique :

 

L’écologie politique est un courant qui apparaît en France dans les années 1970. Le premier candidat écologiste, René Dumont se présente en 1974 aux élections présidentielles.

L’insertion des écologistes au sein de l’axe droite-gauche diverge : ainsi Corinne Lepage et son mouvement CAP 21 ont pu se situer au centre droit, certains écologistes comme Antoine Waechter ont pu se revendiquer ni de droite, ni de gauche. Néanmoins, historiquement, les forces militantes écologistes s’inscrivent plutôt à gauche : l’idéologie économique libérale, voire le capitalisme en soi, sont vus par ces militants comme peu compatibles avec des objectifs écologistes.


 

Les Verts :Le parti des Verts naît officiellement en 1984. En 1994, Les Verts ont pris la décision de ne passer des alliances qu’avec la gauche. La création d’Europe écologie marque de ce point de vue un tournant, puisqu’il s’agit de regrouper également des écologistes qui se revendiquent comme apolitiques et des personnes qui pourraient se situer au centre droit.


 

- Le centrisme :

 

Régulièrement, on a pu voir apparaître la volonté de constituer un mouvement politique qui se situerait au centre et qui dépasserait les clivages droites/gauches. François Bayrou a pu incarner ces dernières années une telle volonté. Pourtant ce programme n’a pas pour l’instant abouti, alors que lorsque l’on demande aux Français de se situer sur l’axe droite/gauche, environ 25% d’entre eux estiment se situer plutôt au centre.

Pour le philosophe Noberto Bobbio, toujours dans son essai intitulé Droite et gauche, le clivage droite/gauche serait indépassable car vouloir le dépasser c’est en réalité le supposer : être au centre, c’est bien se situer au centre de la droite et de la gauche.

De manière générale, un certain nombre de philosophes (ex : Claude Lefort) ou de sociologues (ex : Bourdieu) ont insisté sur le fait que la politique et la démocratie supposait le conflit, l’opposition d’idées. Par conséquent, il est probable que paradoxalement produire une position de synthèse qui dépasserait toutes les oppositions et qui se situerait au centre, ce serait en définitive dépolitiser le débat.


 

Le Modem (mouvement démocrate) :Il s’agit d’une formation politique qui, après la constitution de l’UMP, essaie de faire exister un parti de centre indépendant. Il a été constitué par François Bayrou. Il entend s’inscrire dans la tradition des démocrates-chrétiens.


 

Le Nouveau centre :Il s’agit d’un parti qui a été créé en 2007 par une partie des centristes, en désaccord avec la décision de François Bayrou de créer le Modem. Le nouveau centre inscrit son action dans le cadre de la majorité présidentielle, mais il est juridiquement indépendant de l’UMP.


 

 

Le système des partis français:, durant le début de la Ve République, il était organisé principalement autour d’une bi-polarisation gauche/droite. A gauche, le Parti socialiste a été le pivot pendant plusieurs années d’une « gauche plurielle » constituée des Verts, du Parti radical de gauche et du Parti communiste français. On assiste actuellement, semble-t-il, à une recomposition des alliances au sein de la gauche française. D’un côté, la gauche radicale – à gauche du Parti socialiste – tente dans une certaine mesure de s’unir au sein d’un Front de gauche dont le noyau bicéphale est constitué du Parti Communiste français et du Parti de gauche. De l’autre, les Verts, avec la stratégie d’Europe écologie, tentent eux aussi d’atteindre une masse critique face au Parti socialiste en rassemblant plus largement l’ensemble des forces écologistes. A droite, l’UMP réuni l’essentiel des forces de la droite républicaine. Néanmoins, le phénomène le plus inquiétant est celui de la montée du Front national qui tend à transformer un système jusqu’ici bipolaire en système tripolaire dans la mesure où les autres formations politiques refusent toute alliance avec lui. Ce phénomène pourrait-il amener à l’avenir à produire une crise de régime, contraignant la droite républicaine et la gauche à s’unir pour faire barrage au Front national, remettant ainsi en cause le clivage droite/gauche sur lequel s’est structuré le champ politique français depuis plus d’un siècle, au moins le temps d’un front républicain ?


 

Bibliographie(livres disponibles à la bibliothèque de Wissous) :

 

- Dictionnaire de la vie politique et sociale, Dominique Chagnollaud (Dir.), Hatier, 1993 (324 DIC)

- Le dictionnaire politique du XXème siècle : 100 ans de politique française, Bernard Lecomte et Patrick Ulanowska, Le Pré aux Clercs, 2000 (320.944 LEC)

- La science politique est-elle une science ?, B. Bonfils-Mabillon et B. Etienne, Flammarion, 1998 (320 BON)

- Démocratie et égalité, Eric Keslassy, Bréal, 2003 (321.8 KES)

- Les partis politiques en France, François Platone, Les Essentiels Milan, 2007 (320 PLA)

- La République, Platon, Flammarion, 2008 (184 PLA)

- Les Politiques, Aristote, Flammarion, 2008 (185 ARI)

- Le Prince, Nicolas Machiavel, Flammarion, 2008 (195 MAC)

- De l’esprit des lois, Charles de Montesquieu, Flammarion, 2008 (843.5 MON)

- De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville, Flammarion, 2008 (194 TOC)

- Manuscrits de 1844, Manifeste du parti communiste, Le Capital (livre I, sections 1 et 2), K. Marx et F. Engels, Flammarion, 2008 (1993 MAR)

- Textes et Débats, Proudhon, Le Livre de poche, 1984 (320.092 PRO)

- Penser Agir, Daniel Bensaïd, Lignes, 2008 (320.5 BEN)

- Le regard politique : entretiens, Pierre Manent, Flammarion, 2010 (194 MAN)


 

Bibliographie d’Irène Pereira :

 

- Anarchistes, La ville brûle, 2009 (320.092 PER)

- Les travailleurs de la culture en lutte : le syndicalisme d’action directe face aux transformations du capitalisme dans le secteur de la culture, D’ores et déjà, 2010 (331.88 PER)

- Les grammaires de la contestation : un guide de la gauche radicale, La Découverte, 2010

- Peut-on être radical et pragmatique, Textuel, 2010

- L’anarchisme dans les textes : Anthologie libertaire, Textuel, 2011

 

 

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