Lu: Racismes ordinaires ?, Le Sociographe, n°34, janvier 2011

Publié par: L’institut régional du travail social (IRTS) du Languedoc-Roussillon

Site de la revue: www.lesociographe.org 

 

Les formes du racisme ordinaire

 

Le numero 34 de la revue de Recherches en Travail social, Le Sociographe, est consacré aux racismes ordinaires. En posant la question du racisme, les auteurs du numéro entendent ne pas se réduire à une simple approche en termes de discrimination: Les travaux des auteurs des textes reçus "témoignent de la nécessité de reconsidérer la classique différenciation entre racisme et discrimination”. (p.7) C’est ce que précise Ahmed Nordine Touil, dans l’article de présentation du numéro, intitulé “Déshabiller le “racisme normalisé”.

 

Le premier article, de Ahmed Lemligui, “Histoire d’un racisme au long cours” revient sur certaines distinctions conceptuelles - racisme biologique, racisme culturel, racisme institutionnel, discrimination/racisme - et avance “quelques pistes pour un travailleur social”.

Emmanuel Jovelin, quant à lui, dans “Ambiguités de l’antiracisme” s’interroge sur les thèses qui voient dans les associations anti-racistes des vecteurs de racisme. Il montre comment ces positions sont aveugles au fait que si ces associations - Indigènes de la République ou CRAN... - se créent, s’est pour lutter contre un racisme qui leur prééxiste bel et bien, il est ainsi sophistique de leur en imputer la cause .

 

Les articles suivants s’interrogent sur des situations concrètes de racisme ordinaire. Ainsi l’article d’Eric Malière, “Des flics et des “jeunes”, aborde plus spécifiquement les relations entre les services de police et des jeunes dans des cités HLM.

L’article de Dominique Sistach, “Interdit aux enfants et aux chiens”, traite de ce que l’on pourrait qualifier de mysopédie, c’est-à-dire la discrimination envers les enfants en bas âge dans les lieux publics. Pour notre part, nous sommes enclins à nous demander si en réalité ne se pose pas avant tout le problème de jeunes parents qui désirent continuer à se rendre dans les lieux qu’ils fréquentaient en tant qu’adultes et dans lesquels ils se trouvent stigmatisés par d’autres adultes qui estiment que ce sont des espaces dans lesquels les enfants n’ont pas leur place.

L’article de Sonia Blanc “Le racisme est-il soluble dans la politique de la ville” aborde la question du racisme ordinaire dans l’espace urbain à partir d’une critique des insuffisances de la notion de mixité sociale.

Deux articles sont plus spécifiquement consacrés à la question de la prise en compte du racisme et des discriminations à l’école: celui de Choukri Ben Ayed, “Discriminations: l’éducation, un espace à haut risque ?” et Frédérique Sicard, “Rue Mohamed V, un collège comme les autres”.

Le dernier article du numero, “Vieillir, mourir, naître” de Nadia Veyrié traite, à partir d’une perspective étonnante, entre autres les discriminations à l’égard des personnes âgées, puisqu’elle étudie comment le problème de la vieillesse est abordé dans des contre-utopies de romans de science fiction.

 

Discrimination et racisme, question sociale et question raciale

 

Ce numéro du Sociographe consacré aux Racismes ordinaires nous suggère deux remarques.

 

La première porte sur la distinction entre discrimination et racisme. Il nous semble ainsi que la question de la mysopédie ou des discriminations que peuvent subir les personnes âgées ne relèvent pas tant au sens strict du système raciste que du patriarcat. En effet, c’est par opposition à la figure de l’homme adulte dans la force de l’âge - à savoir le père - qu’au sein de la famille et de la société sont pensés les enfants et les grands-parents (ou de manière plus générale les personnes âgées ).

Il nous semble que deux critiques peuvent être faites à la notion de discrimination, si on réduit la question du racisme à celle de la discrimination. La première est de noyer le racisme dans un ensemble d’autres discriminations qui relèvent d’autres problématiques telles que la question sexuelle ou de genre. La seconde, c’est de prendre en compte la question des comportements, mais pas l’organisation sociale, économique et politique qui les sous-tend.

 

Le second point tient à la question de la tension entre question raciale et question sociale, qui est évoquée dans plusieurs articles. Il nous semble que les approches intersectionnelles qui tentent de croiser les deux systèmes peuvent nous donner peut-être des éléments pour avancer. Il y a autonomie des questions raciales et sociales l’une par rapport à l’autre, aucune des deux ne pouvant se réduire à l’autre. Mais elles ne sont pas non plus indépendantes et elles peuvent interagir. De fait, la situation des jeunes immigrés des quartiers populaires relève d’une analyse qui croise les deux systèmes d’oppression sans privilégier l’un ou l’autre.

 

Irène Pereira

 

Rencontre-débat du Sociographe:  jeudi 17 février 2011 avec les auteurs du n°34 (Racismes ordinaires ?)

de 18 à 20 h, entrée libre
Lieu : IREIS Rhône-Alpes à Firminy (42, rue de la Tour de varan. 42704 Firminy)


 

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