A l'école des dispositifs

l’école des dispositifs

 

L’objectif de ce texte est d’analyser les dispositifs qui permettent de nouvelle formes d'assujettissement dans la formation des élèves et qui peuvent induire une intériorisation de la domination.

 

Dispositifs reposant sur les nouvelles technologies

 

L’école 42, créée par Xavier Niel, constitue un exemple d’un nouveau type d’école reposant sur d'assujettissement des individus par les nouvelles technologies. Cette école augure de ce que constitue la transformation des écoles et autres lieux de formation en learning center.

 

A l’école 42, il n’y a pas d’enseignants. Les élèves coopèrent entre eux pour résoudre des problèmes qui leurs sont posés par des ordinateurs.

 

Ici le dispositif que constituent les nouvelles technologies remplace le gouvernement direct des humains par le gouvernement  des choses. La contrainte à  produire un résultat n’est pas exercée par un commandement humain. Elle est présentée comme une contrainte purement technique.

 

Mais cette contrainte fournie par une machine masque et invisibilise le rapport social. Ce sont des êtres humains qui ont créé le programme.

 

Mais les élèves n’ont plus l’impression de subir la contrainte autoritaire d’un enseignant. Ils n’ont affaire qu’à la contrainte apparemment objective du dispositif technologique.

 

Dans le domaine de l’entreprise, il est possible d’envisager une disparition de l’encadrement de proximité et du management par la pression par un dispositif technologique impersonnel qui exerce une contrainte.

 

La critique libertaire de l’éducation a focalisé une partie de sa critique sur le rapport personnel d’autorité du maître sur l’élève. Mais le dispositif technologique permet de faire disparaître le rapport d’autorité et de contrôle direct qui s’exerce traditionnellement.

 

Les dispositifs de contrôle social

 

La centration du discours pédagogique sur des compétences sociales induit la mise en place de dispositifs de contrôle social.

 

Ainsi les techniques de communication non-violente peuvent être utilisées pour normer les comportements des élèves et leur réaction à la conflictualité. Toute manifestation de violence physique ou de colère verbale est considérée comme illégitime.

 

L’intériorisation dès le plus jeune âge de ces techniques comportementales de contrôle induit l’idée à long terme que toute forme d’expression de dissensus social par une conflictualité violente est illégitime.

Ces dispositifs sont en particulier promus en éducation prioritaire. La réponse institutionnelle à la violence des relations sociales induite par les inégalités sociales consiste dans l’intériorisation par les élèves de techniques de contrôle comportemental.

 

Dispositif pédagogique et dispositif managérial

 

Les dispositifs pédagogiques de travail en autonomie des élèves constituent des laboratoires managériaux pour le management capitaliste.

 

Là encore, les pédagogies où le maître s’efface pour laisser l’élève travailler en autonomie conçoivent des outils qui permettent d’organiser le travail en autonomie des salariés sans avoir besoin de recourir à la contrainte directe d’un management de proximité.

 

Les formes prises par l’entreprise libérée et/ou le management coopératif - les formes de management horizontal - constituent ce type de dispositif.

 

Là encore, il s’agit de remplacer le gouvernement des hommes par les hommes, par un gouvernement en apparence plus objectif des hommes par les choses. Ce qui est important c’est que le dispositif soit construit à partir de contraintes posées par le management capitaliste.

 

Il s’agit ici de s’appuyer sur l’apparente neutralité de la technique. Mais ces techniques ont été construites avec des intentions particulières et sont porteuses de valeurs immanentes orientées vers l’exploitation. Elles visent à contraindre les individus à optimiser leur performance économique.

 

La coopération constitue une manière d’optimiser la performance. En effet, les individus lorsqu’ils coopèrent produisent d’avantage de valeur que lorsqu’ils travaillent de manière isolée. Le dispositif peut les contraindre à coopérer de manière s'accaparer la “force collective” (Proudhon) des travailleurs.

 

Les pratiques d’enseignement se trouvent réduites à des techniques. On peut parler de techniques d’enseignement, et non de pédagogie, lorsque conjointement à la question des moyens, la question des finalités ne se trouve pas discutée. Dans la technique, seule compte l’efficacité.

 

Le management peut ainsi réduire la pédagogie Freinet à des techniques Freinet. Cela est possible en dissociant totalement les techniques inventées par Freinet de leurs projet politique.

 

Récupération managériale des pédagogies émancipatrices

 

Néanmoins, il est intéressant de comprendre comment il devient possible de dissocier les techniques pédagogiques et leurs finalités politiques. En soi, ces techniques sont bien porteuses de valeurs immanentes: à savoir la coopération, l’autonomie et la participation. Mais ces valeurs se sont trouvées mises au service de la performance capitaliste.  

 

Il faut doter les individus de capacités de résistance: esprit critique, capacité de désobéissance, capacité de dissensus...

 

Il faut que les pratiques pédagogiques soient porteuses de manière immanentes d’une contestation de l’ordre social capitaliste. Les pratiques pédagogiques doivent viser à expliciter la manière dont les dominants maintiennent leur domination: elles doivent vendre la mèche. Elles doivent permettre d’effectuer ce que Paolo Freire appelle une conscientisation.

 

Elles doivent permettre à l’individu de faire entendre sa voix. En cela, le “quoi de neuf” et le texte libre peuvent être des pratiques émancipatrices.

 

Vers une dialectique critique émancipatrice

 

Sur le plan éducatif, la question qui est posée, c’est de savoir si toute relation de maîtrise d’un savoir induit nécessairement une relation de pouvoir et une servitude.

 

Il peut être possible d’échapper à la verticalité du pouvoir lorsque l’enseignant induit une dialectique émancipatrice. La dialectique émancipatrice constitue une relation par laquelle l’enseignant contraint l’élève à l’affronter intellectuellement de manière à ce qu’il produise une pensée personnelle critique.

 

Ce type de relation, le management et le monde de l’entreprise ne peuvent pas l’accepter. Ils ne peuvent pas accepter que l’individu puisse produire un discours critique sur le manager et l’entreprise qui remette en question les bases du capitalisme.

 

Au contraire, l’enseignant émancipateur est celui qui oppose une résistance à l’élève qui le conduit à sortir de ses certitudes immédiates et à produire un discours critique personnel.

 

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