Petite grammaire élémentaire de la philosophie II

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Deuxième partie :

 

II- Perfectionnement des trois positions de base par la catégorie de médiation


La médiation intervient dans le cas de l’idéalisme par l’introduction d’une rationalité a priori présente dans l’esprit humain. Elle est introduite dans le cas du rationalisme matérialiste par la pratique qui implique la temporalité historique. Enfin, dans le cas du relativisme, elle est amenée par l’expérimentation.


A- L’idéalisme rationaliste

 

1- Description de la position

 

La position idéaliste rationaliste permet de limiter le recours à l’intuition intellectuelle. Celle-ci n’intervient par exemple que dans la fondation des principes premiers en particulier en mathématique ou en morale. Le sujet apparaît par exemple au fondement de l’acte de connaissance de la réalité matérielle.

Mais la rationalité n'apparaît pas à la différence du rationalisme matérialiste comme immanente à la réalité matérielle, mais comme une propriété de l’esprit humain. Ainsi la forme logique du réel, qui n’est pas elle matérielle, n’appartient pas à la matière, mais à l’esprit humain.

De fait, c’est l’esprit qui devient la condition de possibilité de la matière, l’esprit est premier logiquement sur la matière, toute connaissance de la matière est relative au sujet pensant rationnel qui la connaît.

Il peut être en outre possible de distinguer une rationalité théorique portant sur l’étude de la matière que l’on qualifiera alors de rationalité mécanique et une rationalité pratique portant sur les questions normatives (droit et moral), orientée en valeur c’est-à-dire capable de poser des principes premiers ou des fins dernières. L’action politique peut apparaître comme le produit d’un Etat transcendant qui constitue l’intelligence organisatrice de la société.

 

2- Limites:

 

Cette position se heurte à des critiques à la fois matérialistes et relativistes. Pour les matérialistes, c’est la totalité matérielle qui se trouve au principe du processus de connaissance, le sujet connaissant n’en est qu’un effet. Pour les relativistes, la fondation des principes premiers apparaît toujours susceptible d’être accusée de ne pas être une intuition intellectuelle, mais en réalité le produit d’une intuition sensible, donc une opinion.

 

B- Le matérialisme rationaliste historique

 

1- Description de la position

 

Le moyen pour le rationalisme matérialiste d’échapper au problème de la relativité de la connaissance matérielle à l’intuition sensible consiste à introduire la pratique et donc la temporalité dans l’acte de connaissance. En effet, la pratique permettrait de dégager la rationalité immanente du réel sans avoir recours à la sensibilité. La rationalité matérialiste serait donc le dépassement de l’immédiateté de la sensibilité et de la conscience par la pratique scientifique de la connaissance. La connaissance du réel serait donc l’histoire de la pratique scientifique.

Cette connaissance de la rationalité immanente au réel permettrait en particulier de déterminer la rationalité de la progression historique et donc de parvenir à des prévisions scientifiques exactes du devenir des sociétés. Il s’agirait ainsi d’expliquer le passage des lois naturelles aux lois sociales. Il s’agirait ensuite d’analyser comment les productions matérielles produisent les productions spirituelles.

 

2-Limites de la position

 

Les limites de cette position portent sur des conséquences opposées.

Soit, elle conduit à se passer totalement des données sensibles pour ne connaître que par la pratique. Mais dans ce cas, la réalité apparaît totalement construite par la pratique de connaissance et on semble perdre l’horizon réaliste que paraissait contenir cette position et qui la conduisait à permettre la connaissance de la réalité en soi.

Soit à l’inverse, on se donne la prétention d’avoir saisi la rationalité immanente de la réalité et de pouvoir effectuer des prévisions historiques exactes, mais alors le relativiste pourra mettre en avant l’échec de la capacité des savants à prévoir le devenir historique.

 

C- Le pragmatisme

 

A partir de la position sensualiste, l'introduction de la médiation de la rationalité permet la production de deux positions possible. Soit la position utilitariste: il s'agit de combiner à la sensation immédiate de plaisir un calcul rationnel visant à optimiser la sensation de plaisir. Cet optimum constituant le bonheur. Soit la position pragmatiste: cette dernière considère comme utile non ce qui augmente le plaisir sensible, mais ce qui permet la conservation de l'exitence et intensifie l'exprérience vitale. 


1- Description de la position


Par rapport à l’immédiateté de la sensation qui caractérise la position relativiste sensualiste, la position pragmatiste introduit la médiation de la temporalité par l’expérimentation. Ce n’est plus la sensation immédiate, mais l’activité d’expérimentation empirique d’instruments en vue de satisfaire nos besoins vitaux qui caractérise la connaissance. C’est l’expérience de la vie pratique qui aboutit à la mise au point d’une technique empirique (différente des techniques issues de la rationalité scientifique) qui est ici le type même de l’activité de connaissance.

Il s’ensuit ainsi qu’il y a une continuité entre besoins naturels et techniques, et donc entre nature vivante et culture. Il s’ensuit en outre qu’il n’y a pas de distinction entre d’une part, une rationalité théorique orientée vers la connaissance de la matière, et d’autre part, une rationalité pratique reposant sur le sujet intelligible. C’est au contraire à partir de la rationalité pratique, qui est celle d’un sujet sensible, que se met en place la rationalité théorique qui n’est en réalité qu’une forme élaborée de rationalité pratique.

La rationalité pragmatique, tant du point de vue moral que politique, ne prétend pas posséder une connaissance en soi de la réalité. Mais il s’agit d’expérimenter des hypothèses d’action qui sont mesurées à l’aune de leurs conséquences. Du point de vue de l’action, le pragmatiste organise son action par rapport aux degrés apparents de liberté.

Sur le plan théorique, il s’agit de produire une interprétation de la réalité qui ne soit pas contradictoire avec la réalité. Sachant, que le sujet sensible, projette ses valeurs vitales sur la réalité. Il s’agit donc de produire une interprétation qui ne soit pas contradictoire avec les phénomènes. Mais l’interprétation pragmatiste repose sur un présupposé, c’est qu’il ne serait pas possible à un être vivant de survivre avec une interprétation qui serait en contradiction avec la réalité. Il y aurait donc, au-delà des phénomènes changeants et relatifs, des conditions matérielles auxquelles ne peuvent pas se soustraire les être vivants sous peine de ne pas survivre. Il existe des interprétations plus ou moins compatibles avec les phénomènes. Plus l’interprétation permet de rendre compte de phénomènes, plus elle parait probable et donc justifiée.

Les fins morales, les idéaux, que se donnent les humains peuvent apparaître comme des illusions dans la mesure où ils ne correspondraient à rien qui existe dans la nature et seraient de simples projections de nos valeurs vitales singulières, de nos désirs. Mais ces illusions auraient une valeur dans l’action comme instrument de transformation du réel.

Le pragmatiste tente de produire des règles probables qui lui permettent d’agir, notamment en admettant une certaine prévisibilité du réel.

Il ne possède ainsi que des opinions plus ou moins probables et pas de vérité. La connaissance intime de lois immanentes qui organiseraient la réalité est néanmoins l’horizon idéal de son action. C’est à dire que la vérité reste l’horizon de son action. En attendant, tout ne se vaut pas, certaines opinions peuvent être qualifiées de connaissances car elles sont plus justifiées, tant du point de vue théorique que pratique. La rationalité humaine n’est pas constituée de lois a priori, mais elle est le produit changeant de la pratique humaine dans son effort de connaître la réalité.

Ainsi, s’il existe le présupposé d’une rationalité immanente du réel qui est donné comme horizon de la connaissance qu’il faudrait expliquer, il est possible qu’elle ne corresponde pas à la rationalité mécanique de la science moderne.

 

2- Limites

 

Le pragmatisme peut subir deux types de critiques. De la part des dogmatiques, qui considèrent que le savoir suppose la rupture avec l’opinion: la vérité n’est pas l’opinion. En effet, le pragmatiste n’a qu’une connaissance probable et non vraie. De la part des relativistes intégraux, qui vont lui reprocher de tenter de maintenir l’existence d’une réalité qui viendrait limiter notre capacité de création d’interprétations des phénomènes, à savoir l’hypothèse métaphysique qu’il existerait un au-delà de nos interprétations, la réalité, qui résiste à nos interprétations.

 

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